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nos usines à gaz. Quoique les végétations qui s’emparèrent du sol émergé appartiennent toutes à la flore qui a formé les grands dépôts houillers de l’Angleterre et du continent, il n’existe pas néanmoins de houille proprement dite en Savoie, mais seulement des anthracites, sortes de houilles distillées, brûlant sans flamme et privées d’une grande partie de leur valeur comme combustibles. Ce serait donc bien en vain que l’industrie espérerait trouver de la houille en Savoie ; elle n’y découvrira que de l’anthracite, qui forme des couches d’une puissance extraordinaire dans la chaîne centrale des Alpes.

Les forces intérieures ne se sont pas laissé enfermer dans les couches multipliées de l’enveloppe terrestre sans s’agiter encore contre les murs de leur prison. Vers la fin de l’époque appelée dévonienne, l’océan de feu s’est courroucé une dernière fois, et les gaz dégagés par ses mouvemens ont bouleversé l’ordre des couches accumulées pendant les époques précédentes. La secousse a dû être d’autant plus violente qu’elles avaient acquis plus de consistance. Les terrains les plus bas et les plus anciens ont déchiré les supérieurs et les récens, et ont formé les nombreux massifs de protogine de la Savoie. Le Mont-Blanc, le plus grand de tous, paraît avoir été le point où la pression a été la plus forte ; sa masse énorme, sortant des entrailles de la terre, s’est soulevée à une hauteur de 4,810 mètres au-dessus du niveau des mers actuelles, et sur ses flancs on observe encore les lambeaux des couches sédimentaires qu’il a emportés dans les airs.

Il est important, au point de vue de la minéralogie pratique, de reconnaître ces massifs de protogine, car ils forment autant de régions métallifères dont les limites sont marquées par la force d’émission des roches éruptives. Le premier de ces massifs et le plus vaste est le Mont-Blanc. Ses épaves ont pénétré la masse des rochers sur lesquels il est assis. Les minéraux sont abondamment disséminés dans cette région : le plomb sulfuré argentifère dans les montagnes de Saint-Gervais-les-Bains, de Contamines et de Chamonix ; le fer hydraté, le cuivre jaune, l’antimoine et l’arsenic dans celles de Servoz et de Sixt. Ces diverses substances métalliques, répandues sur des filons puissans, mais d’un accès difficile, ont donné lieu à de nombreuses exploitations, la plupart infructueuses.

Un second massif descend sur l’ancienne province de la Haute-Savoie, aujourd’hui l’arrondissement d’Albertville, se dirige au sud-ouest, coupe la Maurienne entre les stations du chemin de fer d’Aiguebelle et de la Chambre, et va heurter les hautes montagnes du département de l’Isère. Ce massif, d’un développement d’environ 80 kilomètres de long sur 15 de large, est un vaste cabinet minéralogique où l’on trouve la collection de tous les minéraux de la