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Warens. Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau n’ont fait passer à la postérité qu’un côté de la vie de cette femme, ses faiblesses, les désordres de son esprit et de ses mœurs. Toute la partie de sa vie qui s’est écoulée depuis la rupture de ses relations avec le philosophe jusqu’à sa mort est restée dans l’ombre. On sait maintenant qu’elle se jeta dans des entreprises industrielles qui la montrent sous un tout autre jour, active, entreprenante, d’une fécondité d’esprit et de combinaisons au-dessus de son sexe et de son siècle. La première elle connut la valeur industrielle de la fécule de pomme de terre, et chercha à fonder une usine pour l’extraire. Elle entreprit ensuite l’exploitation des ardoises, dont il existe de nombreuses carrières en Savoie. Enfin elle imagina une société, composée de dames, qui avait pour but d’exploiter les anthracites. Une galerie de la mine de Taninges en Faucigny, qui porte encore le nom de Mme de Warens, témoigne que cette entreprise eut au moins un commencement d’exécution.

L’activité étrangère se porta principalement sur les mines de plomb et d’argent de Pesey et de Macôt. En 1740, deux Anglais et un Hollandais qui prend dans les actes le titre de seigneur de Bois-le-Duc en Brabant exploitent celle de Pesey. Inquiétés par des ambitions locales et des procès, ces étrangers se retirèrent dix ans après devant une société savoyarde en faveur auprès du pouvoir. Vendue ensuite au marquis de Cordon, qui émigra en 1792, cette mine fut déclarée propriété nationale avec celle de Macôt, et devint en 1802 le siège d’une école pratique des mines. Cette institution, dont la Savoie a gardé un bon souvenir, fut transportée à Moutiers, au chef-lieu de l’arrondissement. Disparue avec le premier empire, il était permis d’espérer que le second la ramènerait avec lui, et cet espoir n’a pas été sans influence sur le vote d’annexion des populations de la Tarentaise. Elle se trouvait là dans son siège naturel, au centre d’un pays de mines, en face de l’objet de son enseignement, des grands problèmes géologiques et de la variété des minéraux utiles que renferment nos montagnes ; mais ceux qui ont espéré la voir renaître ont compté sans la centralisation, qui soutire la vie des extrémités au profit des centres. La centralisation sarde absorba l’école des mines de Moutiers en 1824 ; sa bibliothèque, les instrumens de son laboratoire, son cabinet minéralogique et ses vastes collections, tout fut transporté à l’arsenal de Turin. La Savoie n’a pas pardonné au gouvernement piémontais cette mesure, qui marquait un nouveau progrès de la centralisation ; mais son erreur a été de croire que cette pompe aspirante n’avait reçu aucun perfectionnement en France depuis 1815.

Les deux mines de Pesey et de Macôt, habilement exploitées sous