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tination du gouvernement de Washington, et de devenir de plus en plus hostile à la cause à laquelle devraient au contraire nous allier les traditions, les idées et les intérêts de la France.

Il est temps, suivant nous, que notre diplomatie et l’opinion publique en France se rendent un compte sévère d’un procédé, auquel on a trop souvent recouru depuis quelques années, et qui ne nous paraît point en harmonie ou avec la netteté de l’esprit français ou avec la franchise du caractère national. Ce procédé consiste à mettre dans un tort apparent les interlocuteurs de la France, en les obligeant à répondre par des refus inévitables à des conseils qu’ils sont dans l’impuissance avérée, de suivre, à des demandes de concession qu’il n’est point en leur pouvoir d’accueillir. Ce procédé nous inspire une égale répugnance, soit qu’on l’emploie contre nos adversaires, soit qu’on en use envers nos amis. Nous avons protesté contre ce système lorsqu’il était pratiqué aux dépens du pape. Nous pensions et nous disions qu’il était cruel de harceler le saint-père sous prétexte d’obtenir de son esprit de justice des réformes politiques qui sont incompatibles avec l’essence du pouvoir théocratique. Nous pensons également qu’il n’est pas généreux de s’exposer à déverser sur le gouvernement de Washington l’odieux de la continuation de la guerre en lui présentant sous la couleur d’une intention pacifique des ouvertures de négociation que sa dignité et ses intérêts ne lui permettent point d’accepter. Nous sommes d’avis que la France et sa diplomatie devraient tenir à honneur de mettre en toute circonstance la signification de leurs actes, d’accord avec le sens de leur langage. L’habitude contraire produit dans les idées une ambiguïté qui se traduit vite en confusion dans les faits ; elle introduit partout le chaos. N’oublions pas que la clarté et la logique sont le besoin et la passion de l’esprit français, que nous sommes les descendans de cette race orgueilleuse, mais sincère par fierté, qui ne craignait point de défier le ciel, pourvu que le ciel lui rendît la lumière. Cessons de nous exposer au tourment, au danger ou au ridicule de fournir au monde, qui a besoin des clartés de l’intelligence française, le prétexte, de mettre en doute la droiture de nos desseins ou la lucidité de nos idées.

Le cabinet anglais vient, à notre avis, de nous rendre un signalé service en repoussant l’offre d’intervention dans les affaires américaines que notre gouvernement lui a soumise. Nous avouons que depuis l’origine de la crise américaine nous avons été douloureusement choqués de l’hostilité passionnée que le peuple anglais a montrée contre les États-Unis, Nous avons vu chez les Anglais d’étranges contradictions. Tant qu’a duré la triste présidence de M. Buchanan, dont les ministres sont devenus les chefs ou les généraux du sud, la presse anglaise n »a cessé de dénoncer les excès du parti esclavagiste, maître alors du pouvoir. Cette aversion, si bruyamment et si constamment manifestée contre les hommes de l’esclavage, s’est changée en tendresse dès que ce parti a mis le comble à ses prétentions intolérantes et ambitieuses en tentant la dissolution de l’Union. Devant l’image de la