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c’est la force que les causes nationales puisent de nos jours dans les libertés représentatives et constitutionnelles, l’appui qu’elles cherchent dans les principes modernes. Autrefois il semblait que l’absolutisme seul fût chargé de la mission de créer les états : la constitution d’une unité nationale fut presque toujours la tâche des conquérans et des despotes de génie, et la violence, la ruse entraient pour beaucoup dans leurs œuvres, La violence et la ruse n’ont certes pas disparu de ce monde; mais il est quelque chose de non moins évident, c’est que les peuples qui cherchent aujourd’hui à constituer leur nationalité demandent leur salut à la liberté bien plus volontiers qu’au despotisme. Ce qui s’ajoute ainsi de légitimité, de dignité à leurs efforts, tous les esprits vraiment libéraux le savent et s’en félicitent.

Un des honneurs impérissables de l’homme qui a tenu tant de place dans le mouvement dont nous essayons de définir le but et le caractère, un des titres les plus sérieux de M. de Cavour à la reconnaissance du monde, c’est de n’avoir jamais séparé la cause italienne du développement des libertés parlementaires. Et aujourd’hui même si, — malgré les réserves bien légitimes des uns, les griefs trop fondés des autres contre l’esprit envahissant de l’Allemagne, — le mouvement qui se produit au-delà du Rhin a quelque droit au respect et à la sympathie de tout homme éclairé, c’est qu’il porte inscrites sur son drapeau ces nobles et significatives paroles : « unité par la liberté. » Certes l’entreprise des Allemands rencontre des obstacles redoutables, et il faut bien reconnaître que celle des Italiens n’est guère plus favorisée à quelques égards. Gardons-nous cependant de désespérer de l’issue heureuse de ces généreux efforts, et soyons au moins assez avisés peur n’en médire qu’après les avoir vus, ce qu’à Dieu ne plaise ! complètement échouer.

Si l’œuvre italienne est forcément arrêtée dans sa marche triomphante par la question épineuse et en apparence presque insoluble du pouvoir temporel du pape, de même l’œuvre allemande, bien moins avancée encore, est depuis quelques mois en grand péril par suite du conflit qui se prolonge entre les chambres prussiennes et le roi Guillaume Ier. Sans insister plus longtemps sur un rapprochement entre ces deux entreprises qui nous éloignerait du but de notre étude, bornons-nous à remarquer que l’intérêt de la crise parlementaire en Prusse est dans le lien qui la rattache à cette grande question de l’unité par la liberté, déjà débattue avec tant de puissance et d’autorité au-delà des Alpes. Ici s’arrête la similitude, et le mouvement allemand, qui doit nous occuper à l’exclusion de tout autre, a un caractère original qu’il est impossible de méconnaître. Ce mouvement se concentre aujourd’hui en Prusse, mais l’on en comprendrait mal l’importance, si on ne l’observait à son début