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assemblées nationales qui avaient su mieux se garder du vertige, mieux respecter surtout le droit des nations. Le parti unitaire lui-même n’échappa point à la douleur cuisante de voir son œuvre défendue par des auxiliaires qu’il répudiait et la constitution de Francfort servir de drapeau aux démagogues. C’est en effet au nom de cette constitution que les républicains, les socialistes et tous les grands agitateurs de l’époque cherchèrent à soulever le peuple et à provoquer des émeutes : il suffit de dire que le chef des barricades dans l’insurrection de Dresde, la plus sanglante que connut l’Allemagne de ce temps (3 mai), fut un Russe, Bakounine. Certes Michel Bakounine n’avait à cœur ni la couronne de Frédéric Barberousse ni la grandeur de la Germanie; la dévastation des quartiers de Dresde vengeait à ses yeux le bombardement de Prague; il crut que le membre traqué du congrès slave devait cette politesse aux hommes de Saint-Paul.


IV.

Quand la nouvelle du refus du roi fut parvenue au parlement de Francfort, un député, M. Simon (de Trêves), s’était écrié avec amertume : « L’Allemagne était allée à Berlin comme la fiancée au-devant de l’époux, et on l’a congédiée comme une servante. » Non, certes! plutôt comme un de ces enfans difficiles à reconnaître pour le moment, fruits d’amours cachées, et que la tendresse des parens cherchera à faire légitimer à la première occasion. Du reste, si l’unité allemande était une idée toute moderne, l’ambition de la Prusse datait d’un temps bien plus ancien, et il est curieux de poursuivre dans l’histoire le procédé presque toujours uniforme qu’employait cette monarchie dans ses lentes circonvallations, de voir chez elle aux velléités timides de l’empire succéder infailliblement les tentatives plus modestes d’une alliance tant soit peu absorbante avec les états allemands voisins. Pendant ses guerres réitérées avec l’Autriche, Frédéric le Grand vit briller plus d’une fois à ses yeux la couronne impériale; il sut cependant résister à la tentation, mettre en avant par exemple un candidat de la Bavière et se borner à une entente plus étroite avec la Saxe, le Hanovre, etc., qui lui assurait une haute influence au nord. La « ligue des princes » (Fürstenbund), qu’il parvint à combiner une année avant sa mort, fut à cet égard un triomphe éclatant de sa politique, dont ne sut cependant pas profiter son successeur. Plus tard, et au moment où le saint-empire romain allait tomber devant l’établissement de la confédération du Rhin, la Prusse pensa de nouveau à ceindre la couronne impériale, elle fut même dès l’abord encouragée dans ces vues par Napoléon; bientôt elle se ravisa cependant, aima mieux prendre possession du Hano-