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ANTONIA

QUATRIÈME PARTIE.[1]


Par caractère comme par état, Marcel était un homme prévoyant. On peut être positif et généreux. C’est sous cette double inspiration qu’il jugea la situation des deux amans et qu’il parla à Julie.

— Madame, lui dit-il en lui prenant les mains avec une bonhomie affectueuse qui n’avait rien de blessant, commencez par me compter pour rien dans tout ceci. Si Julien et sa mère sont à la hauteur de votre courage et de votre dévouement, loin de les dissuader, j’admirerai le sacrifice. Et d’abord ne vous exagérez pas les conséquences de l’avenir. M. Antoine est homme de parole, cela est certain ; dans le bien comme dans le mal, il tient ce qu’il promet. Pourtant son testament est un grand problème, par la raison que le voilà sur la pente du mariage. C’est un fait bien étrange, à coup sûr, de voir ce vieux garçon, ennemi des femmes et de l’amour, se jeter dans la fantaisie conjugale au déclin de sa vie ; comme cela porte le caractère de la monomanie, aucune promesse, aucune résolution de sa part ne peut l’en préserver. Il trouvera ce qu’il cherche, n’en doutez pas ; une femme titrée quelconque, jeune ou vieille, honnête ou non, belle ou laide, se laissera tenter par ses écus et accaparera tous ses biens. Voici donc la question simplifiée, et vous devez écarter la préoccupation de notre héritage à tous. Il n’y a de certain que les faits présens, et vous voyez que je suis hors de cause. Parlons donc de ces faits immédiats qu’on livre à notre examen. Ils sont fort sérieux. Je connais l’oncle Antoine : ce qu’il veut faire, il le fait

  1. Voyez la Revue du 15 octobre, du Ier et 15 novembre.