Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/624

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

localités et de la capitale. Convenons que les circonstances y prêtaient. Cette révolution s’était abattue de la capitale sur les provinces, répandant sur celles-ci un gouvernement dont elles ne se doutaient pas la veille, et cela avait suscité de furieux doutes sur le mérite d’une institution qui semble réunir sur un point toute la force des partis et du gouvernement, comme des champions dans un champ clos, pour une lutte dont la France est le prix. On accusait en propres termes cette institution d’avoir fait le coup.

Une assemblée où grondait cette rumeur chargea le conseil d’état (émané d’elle, son élu, son produit, notez bien cela) de préparer une loi sur l’administration intérieure. Or il sortit de là, vers le milieu de l’année 1851, quatre projets de loi fortement étudiés, précédés de rapports admirables, le tout vide de réformes ou du moins de nouveautés saillantes, décisives. Le vieil édifice de la chose était considéré à nouveau, sondé dans ses origines, raconté dans son histoire, comparé au fond démocratique qui avait prévalu, et, toute réflexion faite, on y touchait à peine. Dire les pauvres pièces qu’on y mettait ou qu’on en ôtait, ce serait fatiguer le lecteur pour trop peu de chose, l’introduisant dans des complications et des sinuosités qui ne soutiendraient pas son attention : il ne faut donner ce détail qu’en son lieu; mais je puis bien répondre sur-le-champ à cette objection, que les projets de loi dont il s’agit eussent été transformés par l’assemblée législative, de l’humeur dont elle était, si elle avait eu à s’en occuper, et que le conseil d’état avait de bonnes raisons pour ne rien innover, attendu qu’il est le réceptacle des traditions et des usurpations administratives.

Cela est un peu dur : il ne faudrait pas oublier la mission qu’avait reçue le conseil d’état, ni l’origine qu’il avait à cette époque, ni une certaine aptitude des corps administratifs à goûter ce qui s’impose, à entrer dans les idées régnantes. Quoi qu’il en soit, le conseil d’état ne fut pas seul à s’expliquer sur ce sujet : une enquête fut ouverte, on convoqua l’opinion publique; tous les conseils-généraux et les cinquante-neuf communes les plus considérables du pays furent consultés sur le surcroît de pouvoirs à introduire dans les localités. C’était le moment de s’expliquer, de se revendiquer. Or savez-vous ce qui arriva? Quinze communes seulement répondirent à cet appel, le reste observa le plus profond silence. Celles qui demandèrent quelque chose demandaient peu, quelques réformes insignifiantes; mais, encore une fois, la majorité parmi cette élite des communes ne fit pas même la façon d’une réponse aux fortes avances qui lui étaient adressées. Je livre ce fait aux partisans de la province, aux ennemis de la centralisation, ou plutôt je les accable sous cette apathie de ce qu’ils veulent régénérer, et qui se plaît dans son sommeil. Voilà les torpeurs que sous le nom de localités ils prétendent