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que le procédé ou l’appareil breveté aura de l’importance, et que le soi-disant inventeur se montrera exigeant, car le manufacturier étranger, établi dans un pays voisin où le brevet n’est pas reconnu, pourra sur les tiers-marchés livrer le produit dont il s’agit avec un rabais mesuré par la prime que le manufacturier français, son compétiteur, aura dû payer au breveté pour la jouissance du brevet. La législation sur les brevets d’invention provoque donc aujourd’hui des réclamations énergiques de la part des manufacturiers les plus considérables. Ce n’est plus seulement le dispositif de la loi qui est critiqué, c’est le principe même des brevets qui est contesté, et les raisons par lesquelles il l’est paraissent péremptoires.


VIII. — ENCOURAGEMENS A DONNER AU PRINCIPE D’ASSOCIATION.

Émettons le vœu que le principe d’association obtienne plus de latitude, que les individus soient plus libres de s’associer pour la production de la richesse, que l’association industrielle soit encouragée et obtienne le plus grand espace possible pour déployer ses ailes. Je ne m’arrêterai pas ici à faire l’éloge du principe d’association, ce serait tomber dans la banalité. L’histoire du genre humain tout entière en proclame la fécondité. Notre code de commerce, quand il fut promulgué, était en progrès sur la législation manufacturière et commerciale de tous les peuples. Un demi-siècle s’est écoulé depuis ; pendant ce temps les autres ont marché, c’est tout au plus si nous avons été stationnaires. Il y a vingt ans qu’un esprit éminent, Rossi, en faisait la remarque, notre code de commerce est en arrière sur le sujet de l’association. Le moment est arrivé de combler cette lacune., Le projet de loi sur les sociétés à responsabilité limitée, que j’ai déjà mentionné, vient à propos pour la solution de ce problème. Je ne dis pas qu’il la contienne tout entière, mais il apporte du moins à l’œuvre un contingent de grand prix, et rien ne s’oppose à ce qu’on l’améliore. C’est pourquoi il est bien désirable qu’il reçoive sans retard la sanction législative.

L’association semble appelée à rendre aussi de grands services à l’agriculture. Ici deux tendances, qui semblent contradictoires, se manifestent également. D’une part, une certaine portion du sol se divise et se sous-divise ; d’autre part, les machines, dont l’intervention est indispensable au succès des exploitations agricoles, ne s’accommodent pas de l’exploitation morcelée et provoquent la formation de grandes propriétés. L’association ne pourrait-elle donner le moyen de combiner la division de la propriété avec la grande exploitation fondée sur l’emploi des machines ? L’agriculture comporte aussi plusieurs modes d’association restreinte. On pourrait s’associer pour posséder en commun certaines machines, à plus