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Rien de ce mouvement ne se borne, ne s’identifie à quelque localité forte de ses privilèges ou de ses murailles.

Dans ce covenant, tous les ordres de l’état sont confondus; mais plus tard l’élément religieux se dégage, se constitue et procède (toujours en Écosse) comme une puissance. L’assemblée générale de l’église presbytérienne établit une commission permanente[1] que nous voyons en 1644 adresser au parlement d’Écosse des remontrances contre le roi, — un instrument de guerre civile nouveau, improvisé comme les autres, étranger à toute circonscription territoriale. Le spectacle est le même en Angleterre, où se forment de tous côtés en septembre 1641 des associations pour la défense de la liberté et de la foi[2]. Cette précaution éclate au premier parlement qui reparaît après une suspension et presque une abolition de onze ans.

Deux ans plus tard, c’est la guerre civile soutenue dans les comtés par des confédérations guerrières, lesquelles, remarquez bien ce détail, demandent tout d’abord une commission au parlement ou au roi, tant elles trouvaient peu d’appui ou d’autorité dans les pouvoirs locaux[3]! Enfin, la guerre civile s’aggravant, nous voyons paraître les clubmen. Ceci est l’organisation des campagnes contre le pillage de tous les partis armés, laquelle dans les comtés de l’ouest devient permanente et régulière. Il ne faut pas oublier de dire que l’armée elle-même avait des formes délibérantes, qu’elle était devenue un pouvoir dans l’état, une tribune autant qu’une arme des idées nouvelles qui l’avaient pénétrée ou plutôt instituée. Avec la passion et le souffle qui couraient partout, l’armée en avait les expressions, les formes reçues : clubs, représentans, pétitions, dont le poids ne fut pas médiocre dans ces catastrophes, à l’heure des péripéties.

Ainsi de nouvelles forces apparaissent, et parmi les anciennes forces, l’armée, l’église, la noblesse sont les seules qui s’engagent dans cette lutte. Quant aux bourgs incorporés et même quant aux comtés, il n’y en a pas apparence en tout ceci : nul manifeste, nulle prise d’armes de ces êtres locaux en leur qualité locale; l’esprit du temps ne les avait pas touchés, ce souffle leur était supérieur. C’est qu’un lieu n’a pas un esprit, voilà le fait. Une noblesse, un sacerdoce, toute caste enfin peut avoir un esprit, c’est-à-dire des sentimens et des dévouemens qui lui soient propres; mais un lieu, où prendrait-il ce moral? L’histoire naturelle, la géographie politique sont absolument muettes à cet égard. S’il pouvait y avoir en ceci du plus ou du moins, nous dirions que l’esprit le plus incompatible avec un lieu, le plus absent d’un lieu, c’est l’esprit d’audace

  1. Histoire de la Révolution d’Angleterre, t. II, p. 190.
  2. Ibid., t. Ier, p. 223.
  3. Ibid., t. Ier, p. 316.