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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/665

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orales, on fît connaître la meilleure manière d’exploiter les forêts, les diverses qualités des bois, les autres produits que peuvent donner les arbres, tels que le tanin, les gommes, les résines, etc., ainsi que les moyens de les recueillir. » Il n’est pas douteux que ces vœux, qui dénotent une vive préoccupation de l’avenir de la colonie, ne soient entendus, puisque dans ces pays de self government il ne dépend que des habitans eux-mêmes d’en assurer la réalisation.

Parmi les bois dont la Guyane a envoyé des échantillons à l’exposition, le plus précieux est le mora excelsa. Ce géant végétal, qui atteint jusqu’à 60 mètres de haut et qui, au dire du naturaliste Schomburgk, ressemble de loin à une colline de verdure, croît également sur le sable et sur l’argile, et pousse dans les terrains les plus rebelles à toute autre culture. Le bois du mora, dur, serré, à fibres entre-croisées, est très difficile à fendre, mais il est par cela même très résistant et très propre aux constructions navales. Bien supérieur au chêne, il n’est pas, comme lui, exposé à la pourriture sèche. Le tronc est excellent pour les quilles de navires, et les branches, qui ont une disposition naturelle à se contourner, fournissent des courbes précieuses. Aussi la compagnie anglaise du Lloyd le classe-t-elle parmi les huit meilleures espèces de bois pour la construction des vaisseaux. L’écorce du mora est propre à la tannerie, et dans les temps de disette les Indiens en mangent la graine, qui est considérée en même temps comme un remède contre la dyssenterie.

Vient ensuite se placer, par ordre de mérite, le green heart (cœur vert), actuellement très employé en Angleterre dans les arsenaux maritimes, où il ne jouit pas d’une moindre réputation que le mora. Il possède notamment, dit-on, l’inappréciable propriété de n’être pas exposé aux attaques des insectes terrestres et des mollusques marins. Cependant ce point est encore discuté, et dans un mémoire récent, lu à la Société royale des arts de Londres, M. Simmonds prétend avoir vu dans les docks des Indes occidentales des pièces endommagées par les insectes et perforées par le taret. C’en est assez pour commander une certaine prudence dans l’emploi de ce bois et pour provoquer des expériences, afin de constater un fait si important. Nos voisins n’y manqueront pas.

La même propriété n’est pas contestée au cèdre brun (cedrela odorata), que son odeur aromatique préserve de toute attaque de ce genre ; aussi l’emploie-t-on à faire les caisses dans lesquelles on envoie en Europe les cigares de La Havane. Les Indiens le préfèrent à tous les autres bois pour la construction de leurs pirogues, et Schomburgk raconte que le canot dont il se servit dans le voyage d’exploration qu’il fit au commencement de ce siècle, et qui avait quarante-deux pieds de long sur cinq pieds et demi de large, avait été creusé