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nique, nous devons dire en peu de mots ce qu’est un câble sous-marin. Un câble se compose de deux parties distinctes, l’âme et l’enveloppe protectrice. L’âme, qui est la partie essentielle, est un fil métallique, d’ordinaire en cuivre, par lequel passe le courant électrique; ce fil est recouvert d’une substance dite isolante, caoutchouc ou gutta-percha, pour empêcher la déperdition de l’électricité. L’enveloppe protectrice est une garniture d’étoupe, de filin goudronné, de fils de fer ou d’acier, qui protège l’âme contre le choc des corps durs et lui donne une suffisante résistance à l’extension et à l’écrasement.

La télégraphie sous-marine a eu, comme toutes les sciences, comme tous les arts, sa période d’enfance pendant laquelle les tentatives ont été plutôt basées sur des hypothèses que sur des théories, et les succès plutôt dus au hasard qu’à l’habileté de l’ingénieur; mais cette période est féconde en enseignemens. On y voit surgir successivement toutes les difficultés d’exécution que l’on n’aurait pas soupçonnées de prime abord; puis ces obstacles sont graduellement surmontés, et la théorie, appuyée sur des faits, prend la place de l’empirisme.

La période d’enfance de la télégraphie sous-marine peut être limitée entre les années 1850 et 1859. 1850 fut le début; 1859 a vu les dernières tentatives malheureuses. Depuis cette époque, nous pourrions enregistrer encore quelques échecs; mais les causes, que l’on connaît bien, sont indépendantes du pouvoir ou de la prévoyance des ingénieurs, et d’ailleurs les réussites sont plus nombreuses encore. Ce sont donc les essais faits de 1850 à 1859 qu’il convient d’étudier plus spécialement. Nous ne pourrons examiner avec détails toutes les entreprises qui se sont succédé ; nous nous attacherons aux principales, en cherchant à mettre en lumière pour chacune d’elles les fautes commises et les progrès qui en sont résultés.

Dès 1840, M. Wheatstone annonçait qu’il avait trouvé le moyen de transmettre des signaux entre l’Angleterre et la France malgré l’obstacle de la mer. C’eût été, à cette époque, une entreprise prématurée, car la télégraphie électrique n’existait même pas en France sur les chemins de fer. La première ligne de télégraphie sous-marine ne fut donc établie que dix ans plus tard, et elle est due à l’initiative de M. Brett. Dans le courant de 1850, cet ingénieur embarqua sur un petit bateau à vapeur une longueur de 50 kilomètres de fil de cuivre, simplement recouvert de gutta-percha. Il attacha à Douvres, dans la gare du chemin de fer, l’une des extrémités de ce fil, et se mit à le dévider à travers le détroit, en y attachant de distance en distance des masses de plomb pour le faire couler à fond, précaution qui n’était pas inutile, car il était si léger qu’il