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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/736

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aurait été entraîné par le moindre courant. Arrivé sur la côte française, M. Brett fit atterrir la seconde extrémité sur un rocher et transmit aussitôt quelques signaux. La première dépêche, dit M. Brett, devait être adressée au président de la république française, qui n’avait pas ménagé les encouragemens à l’aventureux inventeur alors que tant d’hommes trop prudens doutaient de la réussite. Il faut nous reporter à cette époque pour apprécier l’incrédulité qui accueillit cette entreprise et pour comprendre que M. Brett se soit cru obligé de cacher son premier essai, tant il craignait le ridicule d’une tentative avortée.

Quelques heures après l’immersion, le fil était rompu, et l’on devait s’y attendre, car il ne présentait aucune résistance et devait être écrasé par le moindre frottement; mais l’expérience était satisfaisante. On avait échangé des signaux à travers la Manche; il ne s’agissait plus que de fabriquer un câble assez résistant. Ce câble fut immergé en 1851; il se composait de quatre conducteurs formés chacun d’un fil de cuivre de 1 millimètre 1/2 de diamètre entouré d’une gaine de gutta-percha de 7 millimètres de diamètre. Ces quatre conducteurs, tordus ensemble et enveloppés de chanvre goudronné, étaient en outre revêtus d’une forte armature de dix fils de fer galvanisés de 8 millimètres de diamètre. Le tout pesait environ 4,500 kilogrammes par kilomètre. Ce câble est un des plus résistans qui aient été construits; l’excès de force se justifiait suffisamment tant par l’inexpérience des constructeurs que par la faible profondeur et l’extrême agitation de la mer que l’on traversait. La plus grande profondeur d’eau est de 54 mètres, et la distance de Douvres au cap Gris-Nez, près de Calais, est de 33 kilomètres; la longueur du câble immergé fut de 40 kilomètres, soit de près d’un quart en plus de la distance réelle.

Pendant plusieurs années, le câble de Douvres à Calais fut soumis à un travail journalier et se maintint en bon état, sauf quelques accidens occasionnés par les ancres des navires qui mouillaient dans le voisinage. En octobre 1858, il fut complètement rompu; mais il fut aisé de relever les deux bouts et de les raccorder avec un morceau de câble neuf. On put ainsi vérifier l’état physique du vieux câble; il était assez satisfaisant. Les fils de fer composant l’armature extérieure étaient rongés en quelques points, soit par le frottement contre les rochers, soit par la rouille, ou plus exactement sans doute par ces deux causes réunies ; la garniture de chanvre goudronné était pourrie aux endroits où l’oxydation des fils de fer l’avait laissée à nu; la gaîne de gutta-percha était dans un état parfait de conservation, et c’était le principal, puisque les matières qui l’entourent n’ont pour objet que de la protéger. Depuis cette répa-