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d’un demi pour cent. Le législateur anglais ne craint pas cependant d’établir des taxes élevées, lorsqu’il a lieu de penser que cette élévation n’est pas de nature à entraver la production de la richesse. C’est ainsi que le droit sur les successions est considérable en Angleterre : quand il s’agit de la ligne collatérale, il est égal à ce qu’il est chez nous en principal dans le même cas, savoir de 10 pour 100. Je signale ce dernier fait, parce qu’il me paraît fournir la réponse à une objection qui semble avoir une grande force, celle qui consisterait à dire que, si la taxe sur les mutations à titre onéreux était réduite autant, on frustrerait le fisc des droits de succession par le moyen de ventes simulées entre vifs.

Dans l’intérêt de la puissance productive de l’agriculture, qui se confond avec le bien-être de nos agriculteurs, il y aurait donc lieu d’examiner de près la législation de l’enregistrement en ce qui concerne le droit sur la transmission des immeubles à titre onéreux. Cette législation n’est pas d’une origine tellement respectable qu’on puisse la regarder comme une arche sainte. Elle date de l’an VII, époque de désordre et de ruine, où, les sources de la richesse privée et publique étant taries, un gouvernement aux abois se vit forcé d’exagérer ceux des impôts qui rendaient encore quelque chose. Les acquéreurs de biens nationaux, sur lesquels retombait alors principalement cet impôt, parce qu’ils vendaient plus que les autres, avaient fait d’assez grands profits pour que, dans la détresse où se trouvait le trésor, on ne craignît pas de les surcharger. Aujourd’hui ces excuses de la législation sur la matière n’existent plus.

Il n’est pas interdit de supposer que si le droit de mutation dans le cas de transmission à titre onéreux était réduit au taux où il est en Angleterre, et si d’ailleurs les frais d’acte avec les charges accessoires étaient limités, par l’autorité impérative de la loi, à une somme égale au montant même du droit, les transactions authentiques, bien plus libres désormais, se multiplieraient tellement qu’en peu d’années le produit du droit remonterait à son ancien niveau, ou que du moins la perte du trésor resterait fort limitée. Les notaires eux-mêmes trouveraient dans l’accroissement du nombre des actes la compensation à la diminution de leurs honoraires.

Il y a une multitude de transactions sur la propriété foncière qui se font sous seing privé, et qui esquivent ainsi l’impôt. L’administration des finances se donne beaucoup de peine pour obliger les particuliers aies rendre authentiques ; elle a échoué jusqu’ici et continuera d’échouer, pour un certain nombre nécessairement, quelque surveillance qu’elle établisse, quelque pénalité qu’elle fasse instituer par le législateur, par la simple raison qu’une bonne partie des transactions qui se cachent sous l’expédient de la convention sous