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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/822

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POPOVITZA
SCENES ET RECITS DES BORDS DU DANUBE.


I.

Routchouk est une grande ville turque où le voyageur qui se rend de Paris à Constantinople sans prendre la voie de mer quitte ordinairement le Danube : c’est la résidence du pacha qui gouverne toute la Bulgarie. Le Danube a en cet endroit une largeur ordinaire de près de trois kilomètres. La rive turque s’élève abrupte, escarpée, dominant le fleuve. On n’aperçoit d’abord que quelques maisons de bois délabrées, flanquées de deux batteries. Ce n’est qu’après avoir gravi l’escarpement de la côte que l’on découvre les nombreux minarets de la ville. En face, la rive valaque est basse et facilement envahie par le fleuve; par une faible crue, il couvre au loin la plaine.

De l’escarpement où est située Routchouk, la vue s’étend indéfiniment sur la Valachie, plate et uniforme; à peine un pli de terrain vers Daïa vient borner l’horizon. Sur cette rive et très peu au-dessous de Routchouk, en suivant le cours du fleuve, se trouve la ville valaque de Giurgevo : larges rues pavées ou macadamisées, grandes maisons régulièrement bâties et espacées à la façon russe, hôtels pour les voyageurs avec des enseignes eu différentes langues; un aspect de comfort extérieur très marqué, si on la compare à la ville turque en face de laquelle elle est placée. Entre les deux et près de la rive valaque se trouvent plusieurs îles, quelquefois couvertes par le Danube, et qui partagent devant Giurgevo le fleuve en plusieurs bras.

Le Danube est d’humeur variable. Avec son aspect change celui du paysage. Quelquefois il coule tranquille, bleu, uni, à peine ridé, sous un ciel pur, Giurgevo se détache alors en arêtes vives sur l’ho-