de 67 à 68 millions de livres sterling ; depuis une dizaine d’années, la production du numéraire a beaucoup varié : mais en 1853 il est sorti des murs du Royal Mint la valeur de 12,664,425 livres sterling.
De tels chiffres donneront une idée de l’activité des machines et des ouvriers. Ces derniers ont conservé l’esprit et un peu les mœurs des anciennes corporations anglaises. Ils se succèdent volontiers de père en fils. Quelques-uns d’entre eux sont logés dans l’enceinte du Royal Mint ; d’autres demeurent en ville, mais ils se montrent tous comme rapprochés par certains traits de famille. Qu’ils habitent ou non ces grands bâtimens cénobitiques où la vie se trouve en quelque sorte réglée par l’uniformité de l’architecture, ils prennent leurs repas durant le jour dans l’intérieur de l’établissement. Après leur journée de travail, ils ne peuvent sortir avant que la balance des comptes ne soit bien établie sur les livres de chaque département, et qu’on soit ainsi assuré qu’il ne manque rien. Un certificat est alors délivré à chacun d’eux pour franchir la haie de gardiens qui veillent à la grille de l’hôtel. On ne fait aucune différence de religion entre les ouvriers ; tout ce qu’on exige d’eux est l’adresse et la probité. Dans les ateliers, la plupart travaillent aux pièces et gagnent généralement de bons salaires ; au bout d’un certain temps, ils sont admis à la retraite et reçoivent une pension. Le principal trait de leur caractère est, en ce qui regarde l’or et l’argent, cette espèce de mépris qu’engendre la familiarité. L’un d’eux, auquel on parlait en ma présence d’une personne riche, demanda, suivant l’usage anglais, combien elle valait. Quelqu’un lui ayant répondu 5,000 livres sterling par an : « Bah ! s’écria l’ouvrier monnayeur, nous en faisons plus que cela dans une journée ! » Il y a encore beaucoup d’autres employés, contre-maîtres, officiers supérieurs, dont la plupart reçoivent des traitemens fixes, résident dans l’établissement, et portent des titres qui rappellent les anciennes associations ouvrières.
Je sortais de l’hôtel des Monnaies, Royal Mint, la tête chargée de visions d’or, quand je me retrouvai sur la place de Tower-hill, où soufflait un acre vent d’automne qui dispersait les dernières feuilles d’une rangée d’arbres et les roulait en tourbillon jusque sous mes pieds. Comme dans les vieilles légendes du moyen âge, où le diable joue si souvent le rôle de faux-monnayeur, les souverains semblaient s’être changés en feuilles mortes.
Parti de la Banque d’Angleterre sous forme de lingots, ballion, l’or y retourne sous forme de souverains dans un chariot accompagné par un des officiers de cette administration : c’est là qu’il faudra le suivre dans une prochaine étude, si l’on veut se faire une idée de la circulation du numéraire dans la Grande-Bretagne.
ALPHONSE ESQUIROS.