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retombe sur 1867. Une troisième période de 1,260 armées, deux fois mentionnée dans l’Apocalypse (chap. 12, verset 6 ; chap. 13, verset 5) nous ramène encore à 1868, en partant de la date à laquelle les papes reçurent définitivement le titre d’évêque universel, en 608. Le prédicateur énuméra de la sorte jusqu’à neuf périodes prophétiques, qui toutes convergeaient aussi exactement au même point que les rayons d’un cercle à son centre ; mais j’en ai dit assez pour mettre à nu le procédé : de même que l’élève cherchant une solution géométrique commence par supposer le problème résolu, il semble qu’ici on ait d’abord réuni ces divers intervalles de temps au même point d’arrivée, quitte à justifier ensuite les points de départ d’une manière plus ou moins plausible. Une preuve concluante d’ailleurs était tirée de la Genèse. C’est en 1867 que le monde accomplit sa six millième, année[1], et le jour du repos qui doit couronner la semaine de la création n’est autre que le millennium, c’est-à-dire la succession des dix siècles qui s’ouvriront dans cinq ans. Peu d’élus malheureusement verront cette terre promise, si l’on songe que sur les 1 milliard 300 millions d’âmes qui peuplent le globe, 300 millions seulement connaissent l’Évangile, et 5 millions à peine le comprennent. Il est difficile par suite de ne pas être effrayé du carnage réservé à la grande bataille d’Armageddon, dans laquelle, outre l’antechrist et son faux prophète le pape, devra nécessairement périr une hécatombe de 1 milliard 295 millions d’infidèles ! À la vérité, tous les produits de notre civilisation matérielle, villes, chemins de fer, canaux, flottes, etc., seront préservés de la destruction pour l’usage des survivans, qui ne tarderont pas à repeupler le globe d’une race meilleure que la nôtre. — Si les études chronologiques par lesquelles s’étaient ouvertes les conférences dont je viens d’indiquer le sujet avaient visé au caractère d’une discussion scientifique, en revanche la description du milennium brilla par un véritable lyrisme. Je ne crois pas néanmoins que le nombre des prosélytes ait été grand à Halifax, où ces étranges discours semblaient accueillis avec plus de curiosité que d’admiration. C’est aux États-Unis et surtout en Angleterre que la secte prophétique ou de la seconde venue du Christ (second advent) compte le plus de disciples. Reviendront-ils à des idées plus saines en voyant la mystérieuse année 1868 s’écouler comme tant d’autres ? On n’ose l’espérer ; ce n’est jamais impunément que l’on joue avec la folie.

La Nouvelle-Écosse n’est encore en définitive, — nos souvenirs l’auront peut-être prouvé, — qu’une colonie d’une faible impor-

  1. Ce ne serait qu’en 1996 d’après les calculs les plus généralement admis. La date de 1867 est basée sur les travaux de divers théologiens anglais, MM. Fynes Clinton, Saville, Shimeall, Elliott, etc.