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ver son chemin jusqu’aux mouillages du Verdon ou de Richard. Des bouées de diverses grandeurs jalonnent la route. Le jour, des amers de toute forme, balises, tours, clochers dressés sur les principaux promontoires et disposés de manière à former des lignes droites avec l’axe de la passe, mènent le navigateur comme en laisse et lui interdisent l’approche des écueils; la nuit, les phares remplacent les amers, et leurs feux, rouges ou blancs, fixes ou à éclipses, tracent sur les flots de longs sillages de lumière que les pilotes peuvent suivre aveuglément d’un détour de lapasse à un autre détour. Après avoir perdu de vue derrière les dunes d’Arvert le haut clocher de Marennes, que les Anglais eurent soin de respecter pendant les guerres du moyen âge pour qu’il servît de point de reconnaissance à leurs vaisseaux, après avoir dépassé une énorme bouée qui signale à deux ou trois milles en dehors de la passe l’approche des dangers, les marins n’ont qu’à diriger leur course de manière à tenir devant eux sur une même ligne le clocher de Saint-Palais et celui de Royan, ou bien le feu de Terre-Nègre et celui de Pontaillac. En gardant inflexiblement cette direction sans obliquer à droite ou à gauche, ils s’engagent bientôt dans le premier détroit de la passe, long de plus d’un mille et large de 1,200 mètres environ. Du côté du nord, une ligne de brisans marque l’ancien rivage de la Pointe-de-la-Coubre, reculant sans cesse devant le choc des flots ; au sud, le Grand-Banc projette une langue de sable à laquelle on a donné le nom significatif de Mauvaise, et qui mérite d’autant plus ce nom que les courans, en la transportant graduellement vers l’ouest et en allongeant ainsi la passe, ont rendu l’entrée plus difficile. Rongés et déplacés constamment par les vagues du flot et du jusant, les bords sous-marins de ce banc de sable sont coupés presque à pic, si bien qu’à une distance de quelques longueurs de vaisseau la profondeur varie déjà de plus de 10 mètres. A l’est de la Mauvaise, la passe, dont les sondes ne peuvent atteindre le fond qu’à 12 mètres au-dessous du niveau des basses mers, s’élargit tout à coup pour former un bassin très étendu et libre de tout danger. C’est là que les marins doivent changer de direction pour suivre la ligne droite que forment les deux phares de Saint-George et de Suzac, situés sur la côte de Saintonge au-delà de Royan; puis, après avoir longé le banc de Monrevel, dépassé les côtes de Saint-Palais, de Pontaillac, ils atteignent enfin l’embouchure, et n’ont plus qu’à se diriger vers la rade du Verdon, où de nombreux trois-mâts se balancent sur le flot en attendant l’heure favorable du départ.

En France, il n’est pas une seule entrée de fleuve qui soit aussi belle, aussi facile que celle de la Gironde. Malgré son énorme tirant d’eau, le Great-Eastern pourrait sans peine franchir la barre et pé-