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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/908

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nétrer dans l’estuaire aux heures de basse marée, car sur aucun point du chenal la profondeur n’est moindre de 12 mètres. Les bancs eux-mêmes offrent moins de dangers à la navigation que le plus grand nombre des entrées de rivière journellement pratiquées. Ainsi, dans presque toute son étendue, le Grand-Banc est recouvert de 6 à 9 mètres d’eau à l’instant le moins favorable du reflux, et si les pilotes n’y engagent point les navires, c’est parce que la houle y est beaucoup plus forte que dans les passes. L’état du temps peut seul créer clés difficultés à l’entrée du chenal; les vents d’ouest soufflent fréquemment dans ces parages avec une violence extrême; souvent aussi les brouillards et les fortes pluies cachent la vue des phares; enfin la brume sèche, qui règne en moyenne pendant trente et un jours de l’année, obscurcit complètement l’horizon et coïncide toujours avec une mer très houleuse. Les marins redoutent cette brume presque autant que la tempête.

La Passe-du-Nord n’est pas la seule qui donne accès aux embarcations d’un fort tonnage ; il en existe une seconde ouverte entre les récifs de Cordouan et la plage du Vieux-Soulac. Ce chenal, que les marins connaissent sous le nom de Passe-de-Grave, est, il est vrai, moins profond, plus étroit que la Passe-du-Nord, et les dangers y sont plus nombreux; mais il a l’avantage d’être à la fois court et direct, si bien que les navires à voiles peuvent facilement le parcourir d’une extrémité à l’autre dans l’espace de quelques heures. A marée basse, il offre aux endroits les moins profonds de 6 à 7 mètres d’eau, et, si nous en croyons le témoignage des pilotes et des pêcheurs, ses fonds de sable et de roche ne cessent de se creuser sous l’action des flots, promettant de devenir un jour aussi praticables aux grands navires que la voie plus longue de la passe septentrionale. Parfaitement balisé, le chenal de Grave ajoute une facilité de plus à l’entrée déjà si facile de la Gironde, et complète le réseau navigable du golfe de Cordouan. Au point de vue hydrologique, les deux passes forment comme un delta dont les deux branches longent la côte en laissant entre elles une zone triangulaire de bas-fonds. Si le niveau de l’eau baissait tout à coup de 7 mètres, on verrait les deux chenals se diriger du Saut-de-Grave vers la haute mer, séparés l’un de l’autre par la grande île du phare et par un archipel irrégulier de plages et de roches.

Les anciennes cartes marines, tracées à une époque où l’on n’avait pas encore adopté un système de sondages comparables entre eux, ne peuvent inspirer qu’une médiocre confiance pour les détails; mais elles n’en possèdent pas moins une grande autorité pour les traits généraux, et leur témoignage, concordant avec celui des pilotes, offre en beaucoup de cas une importance décisive. Ainsi l’ac-