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nitivement fixée qu’en atteignant l’endroit où s’élève aujourd’hui la ville de La Tremblade. Toutes les rangées de dunes situées autrefois à l’ouest d’Anchoisne entre la mer et les maisons se sont avancées vers l’est comme une armée en bataille, et, faisant incessamment reculer la population, elles ont rasé les unes après les autres toutes les anciennes demeures. Maintenant qu’elles sont passées, on peut apercevoir çà et là des restes insignifians de constructions sur l’antique emplacement de la ville disparue ; mais la dune a gardé la plus grande partie de sa proie. Peut-être aussi la mer s’est-elle associée à l’œuvre de démolition, et le banc de sable connu sous le nom de Fond d’Anchoisne recouvre-t-il quelques débris de la cité mystérieuse. Plus au sud, le village de Buze a subi le même sort. Enseveli sous une première colline de sable, il commençait à être oublié, lorsqu’en l’année 1698 on vit tout à coup reparaître dans un vallon les murailles de l’église, d’une abbaye et de quelques autres bâtisses, dégagées graduellement par le souffle du vent qui poussait la dune vers l’intérieur des terres. Les paysans des villages voisins eurent à peine le temps d’arracher quelques pierres à ces constructions d’un autre âge, car bientôt un nouveau monticule de sable, marchant à la suite du premier, atteignit les ruines qui venaient d’échapper à la terre et les ensevelit sous son énorme masse. Aujourd’hui ce qui reste de Buze repose, dit-on, sous la haute dune de la Briquette. Ainsi disparut également l’ancien village de Saint-Palais, dont on voit encore l’église, réparée soigneusement pour servir d’amer aux navigateurs. Un hameau de la même commune, le Maine-Gaudin, a été pareillement englouti, et récemment encore les dunes de Saint-Augustin marchaient à l’assaut des campagnes d’Arvert avec une vitesse moyenne de 30 à 40 mètres par année.

De nos jours, on n’a plus à craindre de désastres pour des villages entiers, car il n’est point de commune dont les citoyens soient assez dépourvus d’initiative pour ne pas fixer, au moyen de semis. les dunes menaçantes ; mais nombre d’habitans épars, trop faibles pour lutter contre les montagnes qui s’avancent, sont encore exposés à un péril imminent, et doivent abandonner leurs demeures sous peine d’être enterrés vivans. Il y a quelques semaines, longtemps après la chute du jour, j’arrivais, accompagné d’un ami, près du poste de la Pointe-Espagnole, une de ces maisons qu’on a bâties de lieue en lieue sur le bord de la mer, soit afin d’empêcher un commerce interlope que les brisans rendent déjà presque impossible, soit afin de secourir les naufragés jetés sur ces côtes fécondes en sinistres. Nous étions seulement à quelques pas de la demeure du gardien, les rayons lunaires l’éclairaient en plein de leur plus vive clarté, et cependant nous la distinguions à peine. Elle nous