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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 décembre 1862.

Nous persistons à penser qu’il n’est point en ce moment de fait qui soit plus digne d’occuper l’attention de la France que la détresse des ouvriers de l’industrie cotonnière. Nous ne reviendrons point sur les considérations que nous inspirait, il y a quinze jours, cette lamentable calamité. Voici la situation en deux mots. D’un côté, une misère immense s’appesantissant à nos portes, sous nos yeux, sur plus de cent mille de nos compatriotes, misère indépendante de toute prévoyance humaine, qui a éclaté sur des populations saines et laborieuses en leur enlevant tout à coup leurs moyens d’existence, et qui malheureusement semble devoir se prolonger pendant plusieurs mois, pendant les mois les plus rigoureux de l’année ; d’un autre côté, la France prospère et opulente, la France ouverte aux émotions généreuses, conviée par le spectacle de cette infortune imméritée à un grand acte de fraternité sociale.

Que faut-il pour que nos compatriotes s’élèvent à la hauteur du devoir que les circonstances leur imposent ?

La première condition à nos yeux, c’était que le mal fût constaté et révélé dans toute son étendue. Tel était l’objet de l’appel que nous avons adressé à la presse quotidienne et par la presse au comité rouennais. Cet appel a été entendu par un journal jeune encore, le Temps, qui a le sentiment élevé des devoirs de la publicité. Un rédacteur du Temps est allé étudier sur place la détresse des ouvriers cotonniers de la Seine-Inférieure. Ce journal a reçu de chaleureuses et éloquentes communications de la part de personnes liées à d’autres districts manufacturiers. Un membre du comité rouennais lui a fourni d’intéressantes explications sur l’état des ouvriers de son département. Enfin l’archevêque de Rouen vient de publier un mandement où la misère des familles privées de travail est dépeinte dans les termes les plus émouvans. Les premiers élémens de l’enquête