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NOTES
sur l’Ile de La Réunion (Bourbon), par L. Maillard.

Sous ce titre beaucoup trop modeste, un homme éminemment observateur et doué de connaissances spéciales en plus d’un genre rassemble une foule de notions très complètes sur cette intéressante colonie française, qui d’un volcan perdu au sein des mers lointaines s’est fait longtemps un nid tranquille et délicieux.

Bien que déchue de sa sauvage beauté primitive, l’île de La Réunion offre encore pour l’avenir des ressources immenses, si on sait les mettre à profit. Grâce à ses formes coniques et à la grande élévation de ses principaux centres, elle se prête à toutes les productions, depuis celles de la zone torride jusqu’à celles de nos Alpes. Donc rien de plus varié que la flore de cette échelle de température ; mais le caractère le plus curieux de l’île, caractère qui y a été général autrefois et qui s’y trouve localisé aujourd’hui, c’est cet état perpétuel de création ignescente propre aux îles volcaniques, et nulle part mieux appréciable aux études spéciales. Le volcan qui couronne notre colonie de ses banderoles de flamme ou de fumée vomit toujours, à des intervalles assez rapprochés, des torrens de lave et de cendre qui, sur une notable étendue de sa surface (un dixième environ), changent sa configuration. Des tremblemens de terre ont fait surgir sur les hauteurs des masses rocheuses, débris des anciennes éruptions que d’autres cataclysmes avaient engloutis. Ailleurs, ces monumens naturels anciennement produits s’effondrent et rentrent dans l’abîme. De profondes ravines se creusent et des torrens s’y précipitent, des vallées se soulèvent ou s’aplanissent sous des lits de sable et de cendre bientôt recouverts d’un nouvel humus, des remparts rocheux s’écroulent ou se dressent. La fertilité, poursuivie par ces ravages, se déplace, monte ou descend, abandonne les forêts saisies sur pied par la lave, et s’en va créer des pâturages dans les régions redevenues calmes. D’autre part, la mer, refoulée par les coulées volcaniques, voit des caps nouveaux étendre leurs bras dans ses ondes et former des anses paisibles là où, la veille, elle battait la côte avec énergie ; mais, toujours agissante, elle aussi, elle va ronger plus loin, — par son action saline encore plus que par ses vagues, — les pores des anciennes falaises. Elle y creuse des cavernes étranges, jusqu’à ce que la roche désagrégée s’écroule et montre à vif ses arêtes de basalte et les couches superposées des diverses éruptions. Au fond de son lit, l’Océan ne travaille pas moins à se débarrasser des masses de galets et de débris de toutes formes et de toutes dimensions que les torrens lui déversent. Il les soulève, les roule, les porte sur un point de la côte où il les reprend pour les amonceler ou les répandre encore. Ailleurs, il se bâtit des digues de corail et des bancs de madrépores aussi solides que les remparts de lave, si bien que ces deux forces gigantesques, la mer et le volcan, l’eau et le feu, toujours en lutte, pétrissent pour ainsi