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slaves et roumaines constituent sa principale force ; elles lui ont été toujours dévouées, elles ne peuvent pas prétendre à former des états indépendans, et ne demandent pas mieux que de lui rester attachées, à la condition seule que leurs autonomies seront respectées, leurs facultés morales et nationales développées avec intelligence et sollicitude. Le jour où la puissance des Habsbourg entrera une fois et résolument dans cette voie de salut, le jour où elle se décidera à devenir en réalité ce qu’elle n’a été jusqu’ici que de nom, une Autriche, un Ost-reich, c’est-à-dire un empire d’Orient, ce jour-là elle aura jeté les fondemens d’un édifice durable et prospère. Alors ses peuples renaîtront à une vie pleine et florissante, et les élémens germaniques mêmes deviendraient pour eux des auxiliaires efficaces et généreux de civilisation, au lieu d’en être le fléau maudit comme jusqu’à ce jour ; alors aussi aura été posée la seule solution vraie et équitable de cette terrible question d’Orient, dont la pointe ne serait plus nulle part, si Vienne en saisissait ingénieusement le manche. Une Autriche soucieuse de ses populations magyares, roumaines et slaves, sympathisant avec leur génie national et les réunissant dans une fédération basée sur le respect des autonomies, deviendrait en effet l’héritière naturelle et légitime des états chrétiens et slaves de ce côté du Bosphore, — comme le serait de l’autre côté, pour les provinces helléniques, la Grèce, qui aspire si justement à réunir les membres épars de sa nationalité, — et la grande œuvre de l’émancipation de l’Orient pourrait ainsi s’accomplir à un moment donné sans danger pour l’Europe, à la confusion du panslavisme russe et à la gloire de l’humanité.

Idées chimériques ! nous dira-t-on peut-être. — Bien moins chimériques dans tous les cas, répondrons-nous, que ce parlementarisme centralisateur offert aujourd’hui par M. de Schmerling aux applaudissemens des badauds, que cet ineffable reichsrath auquel la moitié de l’empire refuse de prendre part, et que le ministère « libéral M garnit de paysans ruthènes, étranges représentans à coup sûr du gouvernement par la discussion libre, « très honorés députés » qui ne savent ni lire ni écrire, et qui profitent des vacances de la diète pour voler des faux dans leurs communes[1] !… Quoi qu’il en soit cependant de ces vérités, — qui feront encore sourire plus

  1. Le fait suivant était signalé dans le Journal des Débats du 19 décembre 1862 : « Une question constitutionnelle assez curieuse vient d’être soulevée devant le reichsrath de Vienne. On sait que, pour empêcher l’élément libéral de triompher dans les élections de la Galicie, l’autorité a favorisé surtout la candidature des paysans et a même changé pour cette province la loi électorale en y abolissant tout cens. La manœuvre a réussi en grande partie, mais elle a amené ensuite des incidens parlementaires assez bizarres dont le plus récent et le plus grave est que le député Zahorajko, paysan du district de Podhorzec, convaincu, pendant les vacances, d’avoir commis un vol ne faux dans sa commune, a été traduit devant la justice ; le tribunal compétent, ne sachant comment procéder dans un tel cas envers un député, le fait ayant eu lieu pendant les vacances de la diète, s’est adressé directement au reichsrath de Vienne pour obtenir l’autorisation d’emprisonner l’accusé. »