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dans d’incessantes recherches. C’est ainsi que vers l’année 1850, à une époque où le mineur gagnait encore de 90 à 100 francs par jour, on vit certains placers se dépeupler peu à peu, les mineurs partir par petites bandes et s’enfoncer dans les plus sauvages régions de la Sierra-Nevada ; ces champs d’or si ardemment désirés, on les désertait. La nouvelle s’était répandue qu’on avait trouvé la source mystérieuse d’où était sorti cet or, qui depuis avait coulé dans les rivières. Dans le fond d’une des vallées les plus solitaires de la Nevada, existait disait-on, un lac d’or[1], source primitive de toutes ces richesses. Ce lac, où était-il ? Nul ne pouvait le dire, et bien dès malheureux perdirent la vie à le chercher.

Cependant les minerais, d’abord si riches, devenaient plus rares ; l’exploitation devenait aussi plus difficile. Dès l’année 1852, on ne trouvait plus guère de terres vierges le long des petits cours d’eau de la Nevada ; il fallait s’attaquer aux sables de ravines desséchées, transporter le minerai à la rivière voisine, sinon conduire l’eau sur le chantier même par des canaux très dispendieux, ou bien il fallait entreprendre l’exploitation de plus grandes rivières, en barrer et en détourner le cours, ouvrir dans leurs graviers de très difficiles carrières, et établir de coûteuses machines pour l’épuisement des eaux, la nature commençait à disputer ses trésors, et tous les jours le mineur voyait s’amoindrir le produit de ses journées. Ce produit, qui avait été en moyenne de 132 francs en 1848 et 1849, de 95 francs en 1850, de 64 francs en 1851, était tombé à 25 francs en 1853, à 15 francs en 1856, à 13 francs en 1858, et il allait ainsi diminuant sans cesse, à tel point que ces mines de graviers le long des rivières finirent par être désertées par tous les mineurs de race blanche. Les Chinois prirent partout leur place ; ces travailleurs adroits et sobres relavent patiemment encore à cette heure, et pour la dixième fois peut-être en certains lieux, tous les rebuts de leurs devanciers. Ils ne font à cette besogne que de fort maigres journées, de 3 ou 4 francs tout au plus ; encore ce rendement va-t-il s’amoindrissant tous les jours, de telle sorte qu’on peut dire qu’il n’y a guère plus rien à attendre de ces gisemens de graviers de rivière, et que cette source, jadis si abondante, est maintenant tarie.

La Californie aurait donc brillé d’un éclat bien éphémère, si elle n’avait eu d’autres richesses que celles de ses premiers placers, ceux-là mêmes qui l’avaient rendue si célèbre. Ces gisemens, gaspillés

  1. Cette histoire du lac d’or m’a été bien souvent racontée par ceux-là mêmes qui y avaient ajouté foi. Je demandais à l’un de ces mineurs : « Quelle idée pouviez-vous donc vous faire d’un lac d’or ? — Nous ne savions guère, me répondit-il. Les uns disaient que les eaux du lac rejetaient toujours des paillettes d’or, que tout le sable du rivage en était formé. D’autres racontaient que le fond du lac était apparu formé de rochers d’or d’où les eaux avaient enlevé ce que nous trouvions dans les rivières… »