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tam, dont ils semblent le complément obligé. Reliant par terre Dagana à Bakel, les postes dont il s’agit resserreraient dans un cercle infranchissable ces fières populations : par eux s’exercerait une surveillance de tous les instans sur cet ardent foyer d’intrigues et de menées hostiles qui peuvent un jour soulever contre nous toutes les peuplades riveraines aujourd’hui soumises. Des considérations d’un autre ordre commandent d’ailleurs cette mesure, indispensable à l’établissement définitif de notre souveraineté dans ces contrées. La Grand’-Terre, élevée au-dessus du sol fangeux des plaines inondées, semble être à l’abri des fièvres redoutables du bas pays, puisque toutes les années de nombreuses tribus maures, soit qu’elles veuillent éviter les fatigues de l’émigration, soit que la crue des eaux les ait surprises avant leur retour du Djiolof, y passent sans danger toute la saison de l’hivernage avec leurs troupeaux et leurs bêtes de somme. De plus, la constitution chimique du sol semble identique à celle des îles sablonneuses où croissent les meilleurs cotons d’Amérique : elle a été déjà analysée ; si de nouvelles expériences confirment ce résultat, que les cultures indigènes font pressentir, cette vaste région, où les Européens pourraient vivre, donner aux populations agricoles qui l’habitent l’exemple du travail et importer les procédés de notre science, ne semble-t-elle pas destinée à devenir un des centres les plus puissans de la production cotonnière ?

De Matam à Bakel, bien que la constitution géologique du sol ne se modifie qu’insensiblement, se présentent des races complètement distinctes de celles que nous venons de nommer. À mesure que l’on remonte le fleuve, les tribus de Toucouleurs deviennent moins nombreuses et moins puissantes ; de nouvelles races, de nouvelles mœurs, de nouvelles croyances apparaissent. En entrant dans le Goy et le Kaméra, les deux provinces de l’ancien Gadiaga, on rencontre des Malinké et surtout des Soninké, originaires du Kaarta. C’est, dit M. le colonel Faidherbe, « la population la plus commerçante du Sénégal. Elle envoie des caravanes au loin dans l’intérieur, et fournit une foule d’agens inférieurs au commerce de Saint-Louis et de laptots à nos navires. » Il faut ajouter à cette assertion, indiscutable d’ailleurs, que c’est aussi une race des plus agricoles, et que cette disposition dominante est l’unique mobile de leurs voyages. Avoir une terre à eux, la cultiver, y vivre, tel est le but qu’ils poursuivent, l’espérance qui les soutient. Laptots du commerce ou de l’état, manœuvres à Saint-Louis, tirailleurs sénégalais, maçons, charpentiers, tous ceux que l’on interroge sur leurs projets d’avenir, sur les motifs qui les ont poussés loin de leur pays, tous révèlent ce désir, cette espérance, et tous les réalisent après quelques années d’exil vaillamment supportées, de rudes et pénibles labeurs toujours au-dessous de leur patience. À ce contact avec les Euro-