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une multitude d’autres fleuves de moindre étendue s’échappent vers la mer en s’y dirigeant presque en ligne droite de l’est à l’ouest. Ce sont, parmi tous ceux dont les noms sont encore ignorés malgré de récentes explorations, la Cazamance, le Rio-Cacheo, le Rio-Bolole, le Rio-Grande, le Rio-Nuñez, le Rio-Pongo, qui presque tous débouchent dans l’Océan à la hauteur de l’archipel des Bissagos. Bien que la longueur du parcours de tous ces fleuves accessibles aux navires européens ne dépasse pas une moyenne de trente à quarante lieues, l’importance de ces chemins, ouverts sur les régions centrales de l’Afrique, apparaît au premier coup d’œil. Elle semble pourtant avoir été dédaignée, sinon incomprise, jusqu’à ces derniers temps. Plusieurs causes ont contribué à cette indifférence : d’abord la réputation trop justement acquise d’insalubrité de tous ces pays, vastes plaines d’alluvions successives couvertes de marécages, coupées de canaux sans nombre, que bordent d’impénétrables ceintures de mangliers et de palétuviers ; les périls d’une navigation difficile dans des mers qu’agitent des courans à chaque Instant variables, et au milieu des écueils mouvans qui, sous le nom de barres, ferment l’entrée de toutes ces rivières ; enfin, et en première ligne, les prétentions exagérées du Portugal à la domination exclusive de ces pays, prétentions contre lesquelles aucun gouvernement européen ne pensa pendant longtemps à protester.

Quelques comptoirs sans importance, des factoreries semées de loin en loin sur la côte, des forteresses isolées et tombant en ruine, à 100 mètres desquelles n’osaient s’aventurer les soldats d’une garnison famélique décimée par les maladies, telles étaient, telles sont encore, malgré de louables tentatives pour améliorer cet état de choses, les possessions portugaises de cette partie de l’Afrique. Elles forment, sous le nom de Guinée portugaise, une subdivision de la capitainerie générale des îles du Cap-Vert. La capitale de la Guinée portugaise, Bissao, s’élève à huit lieues de l’embouchure du Rio-Cacheo, dont elle interdit la navigation intérieure aux navires étrangers. Ces forteresses démantelées, la priorité douteuse de la découverte, enfin le bref singulier par lequel le monde avait été partagé entre deux monarques européens, ce sont là les bases sur lesquelles reposaient, il n’y a pas longtemps encore, les prétentions du Portugal. Grâce à ces prétentions et surtout à l’impuissance du gouvernement portugais, tous ces pays étaient devenus d’actifs foyers de traite. Seuls, les négriers franchissaient les passes dangereuses de ces rivières et osaient s’y aventurer à la recherche de leurs cargaisons humaines. Quant aux richesses du sol, qu’eût fécondées le commerce légitime, on sait que la traite a pour conséquence fatale de les annihiler partout, aussi bien que d’apporter aux popu-