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I

Ne nous le dissimulons pas en effet, la liberté politique a parmi nous besoin d’être défendue

Contre la défiance attachée au malheur.


Elle a eu les faits contre elle, et les faits ne sont jamais méprisables, même quand les hommes le seraient. Quoi qu’on pense des motifs et des sentimens qui ont amené une réaction, une réaction est un courant qui a sa force, et, même en lui résistant, on ne doit pas ignorer d’où il vient, où il va. Il n’y a que les convictions faibles qui aient besoin de se cacher les obstacles dont elles ont à triompher. La réaction qui a dominé pendant ces dernières années n’est pas le fruit d’une opinion factice, le produit d’un jour d’entraînement. Le 2 décembre ne l’a pas faite, il l’a trouvée. Le 24 février lui-même ne lui a pas donné naissance, seulement il l’a pourvue de ce qui lui manquait : des griefs certains, des plaintes légitimes, des argumens plausibles. En cherchant à déchaîner des passions, il a évoqué d’autres passions sur lesquelles il ne comptait pas. Il a rendu l’espoir et la force à tous les vieux ennemis de la révolution française, à ceux qui voudraient l’anéantir en l’insultant, à ceux qui veulent l’exploiter en l’éludant ; mais, avant même ce sombre jour, on avait pu voir se former les premiers nuages de cette réaction : la faiblesse, la mobilité, le caprice, l’avaient commencée. Ce n’était encore qu’une erreur sans puissance : cette erreur, le 24 février l’a propagée, fortifiée, armée.

Ainsi, pour opposer à l’esprit de réaction l’esprit libéral, pour travailler à reprendre sur l’un le terrain que l’autre a perdu, il faudrait étudier l’état de l’opinion publique à trois époques : avant 1848, après la révolution de février, après le 2 décembre.

J’insisterai peu sur la première époque. L’opinion que je combats semblait alors une innocente fantaisie de l’esprit. Elle était davantage : dès lors elle donnait des inquiétudes à qui voulait défendre, des prétextes à qui voulait détruire. Elle avait des causes diverses, parmi lesquelles il m’en coûte de rencontrer la religion et la littérature.

Ce n’est pas d’hier que l’on parle d’une renaissance religieuse, et celui-là serait aveuglé par des préjugés bien tristes qui aurait vu d’un œil ennemi, en pleine civilisation, au milieu du merveilleux mouvement des choses du siècle, un retour aux croyances dont l’essence est de tous les siècles. Ce n’est pas lorsque la terre est plus heureuse qu’elle doit oublier le ciel, et les progrès de l’humanité ne