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DE
L’IMAGINATION DANS L’HISTOIRE

M. MICHELET ET LE MOYEN AGE.

La Sorcière, par M. J. Michelet, 1 vol. in-18; Paris 1862.

Dans l’Oiseau, M. Michelet nous a raconté comment la jeunesse lui était venue tard, comment, par la fatigue de l’étude, il était arrivé à l’amour de la nature, à un nouvel épanouissement. C’est un peu l’histoire de Faust, et plus ou moins c’est aussi la nôtre à nous tous en France, où la jeunesse des deux sexes, comme le disait si bien le même écrivain, « ne naît pas jeune, mais le devient. » La jeunesse, telle qu’on l’élève trop souvent, est l’âge de la prétention; en tout cas, c’est l’âge de la volonté, de l’ambition, des efforts qu’on s’impose en vue d’un but. On est avide de gloire, on a peur du jugement des hommes; on veut se donner ou montrer qu’on a toutes les supériorités. A son insu, même par ses défauts, la jeunesse tend à lancer ses facultés plus loin qu’elles n’iraient naturellement, à développer en elle, à côté des instincts qui jouent d’eux-mêmes, tout ce qu’elle peut tirer de sa nature par la concentration, l’obstination et le travail. Plus tard, quand on a vieilli, dépensé sa dose de force, on est las de se contraindre, de jouer sa comédie; on ne veut plus suer sous les ordres du terrible idéal de la tête. Moitié découragement de se pousser plus avant, moitié désir de jouir enfin, on se laisse aller à sa pente, on se décide à n’être que ce que l’on est, on se permet d’aimer ses goûts, et dans cette détente inconnue depuis l’enfance on est tout étonné des multitudes d’émotions nouvelles que l’on ressent. L’âme est comme enivrée par des chants