Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/710

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

servation tentaient, chacune à sa manière, de pénétrer la profondeur et d’explorer l’étendue des eaux marines. Lors même que les navigateurs des XVe et XVIe siècles eurent découvert les limites de la surface des mers, l’imagination humaine, curieuse et ignorante, peuplait encore l’abîme de créations chimériques. Tandis que la géographie terrestre, profitant d’explorations successives, dessine chaque jour avec plus de précision le relief des continens, par un contraste peu remarqué l’orographie maritime n’est encore qu’une ébauche. Le regard, qui, sur une mappemonde, se détourne des terres, satisfait par des détails multipliés, interroge en vain l’étendue blanche et muette des océans. Là, il peut suivre le tracé des cours d’eau, apprécier l’épaisseur et la hauteur des montagnes; ici, il ne découvre que quelques îles, sans liaison apparente, se détachant sur une teinte uniforme où l’imagination, comme dans les régions inconnues de l’Afrique centrale, peut distribuer à son gré les montagnes et les vallées. Peu importe au marin, naviguant à la surface, que l’abîme ait 1,000 ou 10,000 mètres de profondeur. La science, pour se développer, attend qu’elle ait un rôle pratique à remplir. Les savans ne prêtèrent quelque attention à la mer profonde que le jour où les premiers essais de télégraphie sous-marine vinrent donner à cette nouvelle étude un intérêt immédiat d’utilité.

Jusqu’alors, les sondages n’avaient été guère pratiqués que sur les côtes, à l’entrée des fleuves, des rades, des ports, partout enfin où la profondeur de l’eau pouvait être assez faible pour compromettre la sécurité des navigateurs. La méthode employée pour ces sondages est bien connue : un plomb descend à la mer en entraînant une corde légère dont la longueur est indiquée par des nœuds régulièrement espacés; quand la corde cesse de filer, le plomb est arrivé au fond, et la longueur de la corde déroulée mesure l’épaisseur de l’eau. Quand on voulut appliquer ce procédé sur des hauteurs de quelques centaines de mètres, on n’obtint plus aucun résultat, parce que les cordes grossières dont on faisait usage, étant plus légères que l’eau, soutenaient la sonde et l’empêchaient de descendre. Quelques marins essayèrent des lignes de soie ou de chanvre très minces, et susceptibles cependant d’une grande résistance. Ils ne réussirent pas mieux, soit parce que les courans sous-marins entraînaient la ligne longtemps après que la sonde reposait sur le sol, soit parce qu’aucun choc ne se transmettait d’un bout à l’autre de la ligne au moment où le plomb atteignait le fond. C’est ainsi que des observations erronées ont fait croire pendant quelque temps qu’il existait dans l’Océan des fosses de 10 à 15,000 mètres. Un officier de la marine américaine laissa même une fois filer 16,000 mètres de ligne