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détritus arrachés aux montagnes par les torrens, le limon des rivières sont la proie de ces infatigables travailleurs. Leurs cadavres recomposent sur le sol de l’Océan des plaines calcaires qu’une nouvelle révolution du gloire découvrira peut-être un jour. On ne saurait trop admirer la puissance de ces animalcules en apparence si frêles et si imparfaits; leurs dépouilles se retrouvent en masses incalculables sous toutes les latitudes, à toutes les profondeurs. Que sont en comparaison les nécropoles des éléphans? Ne semble-t-il pas que plus l’animal est petit, et plus son squelette occupe de place dans l’univers, plus est important le rôle qu’il joue dans la nature ?

Quelques navigateurs, entre autres le savant amiral sir James C. Ross, que l’Angleterre vient de perdre, se sont attachés à déterminer la température des eaux profondes. On conçoit quelle est l’importance de cette question pour la télégraphie sous-marine, car la gutta-percha, dont on fait usage pour isoler de l’eau de mer le fil conducteur de l’électricité, se détériore promptement quand elle est exposée à la chaleur. Par un effet analogue à ce qui se produit dans les lacs d’eau douce, on s’attendait à trouver une température très basse. On sait que Saussure avait observé qu’au fond des lacs de la Suisse le thermomètre s’abaisse, en toutes saisons, à quatre degrés au-dessus de zéro, ce qui est la température du maximum de densité de l’eau douce. L’eau salée pouvait ne pas se comporter exactement de la même manière, car elle ne se congèle qu’à trois degrés au-dessous de zéro, et n’atteint son maximum de densité qu’après sa congélation. Cependant les observations thermométriques faites dans la mer à de grandes profondeurs s’accordent à indiquer cette même température de quatre degrés au-dessus de zéro, fait bizarre qui ne peut être expliqué que par la pression des couches supérieures. A l’équateur, dans ces mers brûlantes, le golfe du Mexique ou l’Océan-Indien, où le thermomètre marque 27 degrés à la surface, la température du fond est de quatre degrés, de même que sous les glaces de la mer polaire.

C’est une question débattue depuis longtemps, et non encore décidée, de savoir s’il existe des êtres vivans au fond de l’Océan, dans les régions de la mer profonde où nous savons que la température est si froide pendant toute l’année, où les rayons du soleil ne peuvent jamais pénétrer. Les êtres dont notre sonde ramène les squelettes vivaient-ils dans ces profondeurs, ou bien y sont-ils descendus après leur mort? La Bible nous apprend que les poissons ont été créés après le soleil et la lune, preuve incontestable, suivant certains naturalistes, que la chaleur et la lumière sont nécessaires à leur existence. L’illustre professeur Ehrenberg, auquel nous devons