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tant de savantes recherches sur les êtres microscopiques, soutenait que ces animalcules pouvaient vivre à toutes les profondeurs. Les espèces nouvelles découvertes dans l’oaze sont nombreuses; comment ne les aurait-on pas aperçues plus tôt, si elles avaient vécu à la surface? La lumière sans doute est indispensable aux êtres bien organisés; mais les espèces moins parfaites ne peuvent-elles s’en passer? N’y a-t-il pas au fond de la mer des phénomènes de phosphorescence qui remplacent le soleil? Quant à la chaleur, elle est relative, et ne fait pas plus défaut au fond de l’Océan qu’à la surface des mers polaires.

Il nous importerait peu que des êtres microscopiques inoffensifs, qui ne s’attaquent qu’aux sels de la mer, vécussent dans le voisinage des câbles sous-marins. Malheureusement de récentes observations ont révélé l’existence à de grandes profondeurs d’animaux plus richement organisés. Dans une expédition faite à l’automne de 1860, pour étudier le tracé d’une ligne télégraphique par l’Atlantique nord, le capitaine Mac-Clintock recueillit, entre le Groenland et l’Irlande, par 2,300 mètres, une étoile de mer bien vivante, colorée des teintes brillantes de la vie animale, et dont le canal alimentaire contenait encore un certain nombre de globigérinées. A la même époque, on relevait le câble de Bone à Cagliari, et l’on y retrouvait moulées des coquilles d’huître de grande dimension qui s’étaient développées à 2,000 ou 3,000 mètres au-dessous du niveau de la mer. En quelques points du même câble, on observait à la surface de la gutta-percha des rainures longitudinales qui pouvaient être l’indice du passage de quelque animal.

En résumé, la mer profonde, c’est-à-dire la région qui commence à quelques centaines de mètres de profondeur, se présente à nous dans des conditions remarquablement uniformes : même sol, une couche d’oaze qui s’accroît lentement par l’effet des siècles; même température, 4 degrés au-dessus de zéro; quelques rares habitans, appartenant tous sans doute aux espèces inférieures; un repos presque absolu, sauf quelques mouvemens imperceptibles des eaux de haut en bas et de bas en haut. Les rayons du soleil ne pénètrent jamais jusque-là; les courans, les vagues, les marées, tous les phénomènes de la mer, s’agitent dans la région supérieure sans troubler le calme et le silence qui règnent au fond de l’abîme. Le câble télégraphique une fois descendu sur ce sol restera, comme l’arbre renversé dans une forêt, à la place où il est tombé. Il est à l’abri de toute atteinte, de tout choc, de toute catastrophe; l’homme lui-même ne pourrait plus l’en retirer.

Dans la mer profonde, la science peut donc fixer des principes à la télégraphie océanique, car les phénomènes météorologiques sont