Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/791

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fut rejeté d’abord, puis admis en 1832 par la chambre des lords. L’Angleterre accomplit ainsi, par la seule force de l’opinion publique, une réforme qui n’eut lieu en France la même année qu’à la suite d’une glorieuse révolution.

J’ai vu dans les archives de la Banque d’Angleterre quelques-unes de ces notes contrefaites à différentes époques, et qu’on conserve comme les spécimens plus ou moins curieux d’un art illégitime. L’une d’elles, je regrette de le dire, a été faite à la plume en 1809 par des Français prisonniers de guerre à Chatham ; leur excuse était sans doute qu’ils se trouvaient en pays ennemi. Une autre note, exécutée de la même manière, est l’œuvre d’un maître d’école qui fut pendu pour avoir abusé de ses talens en écriture. Il semble qu’il y ait chez certains faussaires des inclinations innées et incurables : une femme qui avait été transportée pour crime de forgery revint d’Australie en Angleterre, après avoir obtenu sa grâce, le 23 février 1813 ; eh bien ! le 25 du même mois, elle était remise en prison pour une nouvelle fausse note qui figure dans la même série d’illustrations. Quand on examine avec soin ces contrefaçons et qu’on les compare aux vrais billets de banque, on reconnaît tout de suite que c’est par la pureté du burin et l’excellence de l’exécution, surtout dans les parties délicates, que le papier-monnaie se défend principalement contre la fraude. Il faudrait, pour reproduire avec exactitude la vignette de Britannia, le talent d’un graveur habile, et. Dieu merci, tout artiste qui jouit de quelque considération dans le monde refuserait de prêter les mains à un chef-d’œuvre qui le conduirait tôt ou tard dans la prison de Newgate. Les faussaires, réduits dans ce cas à leurs propres ressources, se contentent d’imiter en secret et tant bien que mal, mais toujours d’une manière assez grossière, les traits généraux du modèle. De là vient que les faux billets ne résistent point à un examen attentif ; il y a même des hommes expérimentés qui reconnaissent, dit-on, une vraie bank-note d’une fausse en quelque sorte les yeux fermés : il leur suffit de passer les doigts sur la face du billet pour reconnaître la qualité de l’encre[1] et du papier. Par malheur, ce dernier moyen de diagnostic a été mis, il y a peu de temps, à une rude épreuve. Quelques rames de papier (le même dont se sert la Banque d’Angleterre pour imprimer ses billets) avaient été volées à la source, c’est-à-dire à la fabrique ou aux moulins de Laverstoke, par les mains d’un ouvrier qu’on avait séduit : dans quelle intention ? il est facile de le deviner. La nouvelle de cette soustraction répandit, il y a quelques mois, l’alarme dans le commerce de la Cité : comment reconnaî-

  1. Cette encre, qui fait légèrement saillie sur le billet, et qui est d’un noir incomparable, se compose de divers ingrédiens chimiques, parmi lesquels entre le marc de raisin.