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d’un temps par les idées d’un autre, ils nous remontrent que le droit de commander la foi avec l’aide du bourreau, n’ayant jamais été mis en question par les princes où les docteurs du moyen âge, a pu être exercé de l’aveu de la conscience publique, et trouver sa justification dans les circonstances qui réclamaient l’unité, tandis que dés conjonctures différentes rendraient insensé le même moyen de propagande en le rendant odieux. Suivant certains écrivains, si la liberté de conscience est de mise aujourd’hui, ce n’est guère que parce que le contraire de cette liberté est impossible. Le changement des mœurs et des opinions a amené le changement des principes, et la tolérance religieuse n’a d’autre mérite que d’être praticable ou nécessaire. Les choses ne doivent être jugées que par les dates. Sont-elles ou ne sont-elles pas de leur temps ? Voilà la question ; mais si l’unité religieuse absolue n’est pas en soi un mensonge qui ne peut être maintenu que par la force, si la force imposant la croyance n’est pas un crime, la liberté des cultes n’est pas plus sacrée aujourd’hui qu’hier, et les droits inviolables de la conscience sont à la merci des événemens. Les vicissitudes de l’opinion ou les calculs de la raison d’état disposent du juste et de l’injuste. Le mal de 1830 peut être le bien de 1852. C’est L’Hôpital qui avait tort et Charles IX qui avait raison. On doit voir comment, appliquée même au passé, la critique historique, quand elle est exclusive, peut ébranler les principes dans le présent et accréditer le scepticisme sur les plus saints articles du symbole de l’humanité.

C’est à ceux dont les jeunes mains ont reçu le sceptre du talent qu’on doit surtout rappeler qu’ils ont le gouvernement des esprits et représenter incessamment les suites graves du moindre relâchement dans la fidélité à la cause de l’éternelle vérité. C’est à eux de se dire sans cesse que ce qui est licite, ce qui semble innocent dans les recherchés de la science désintéressée peut influer sur les habitudes de la raison au point de l’entraîner à une quiétude indifférente et changer peu à peu en une littérature purement descriptive cette littérature impérative dont nos pères avaient conçu l’idée. L’ambition de parcourir tout le royaume du fait ne doit pas les entraîner à négliger l’empire du droit. Osons leur appliquer une parole auguste : « Ils sont le sel de la terre, et si le sel est affadi, avec quoi le salera-t-on ? »

Ces réflexions ont surtout leur vérité et leur à-propos, lorsqu’on se trouve, rencontre fréquente aujourd’hui, en présence de la nécessité de rétablir des vérités qui semblaient depuis un demi-siècle acquises à la raison publique. On ne peut, sans un pénible étonnement, mesurer le terrain que celle-ci a l’air par momens d’avoir perdu, et quelquefois c’est la jeunesse elle-même qui semble avoir