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son infanterie pût les débusquer ; mais les Arméniens, bien abrités et tirant à coup sûr, ne tardèrent pas à lasser les assaillans. Bientôt, jugeant le moment favorable pour prendre l’offensive, ils se précipitèrent à un signal convenu sur l’ennemi, dont les forces se trouvaient disséminées sur plusieurs points, et jetèrent le plus grand désordre dans les rangs musulmans. La mêlée devint générale. Les soldats d’Aziz, interdits et ne se sentant plus soutenus, lâchent pied et se mettent en pleine déroute. Au même moment, la réserve arménienne débouche d’un défilé et se porte bravement sur les canons d’Aziz, dont elle s’empare presque sans coup férir. De toutes parts, les bachi-bozouks fuient devant les chrétiens, qui les poursuivent l’épée dans les reins. Aziz, à cheval, entouré de ses officiers, veut retenir l’élan des fuyards ; il crie, il menace, mais sa voix est méconnue. Obligé de suivre l’exemple des autres chefs, il quitte le champ de bataille et se dirige au galop sur le couvent de la Mère de Dieu. Là, il assouvit sa colère en faisant tuer un prêtre qui se tenait agenouillé à la porte de l’église. Le combat avait duré quatre heures. Toute la campagne était couverte de morts et de mourans. Huit cents Turcs restèrent sur le champ de bataille. À la tombée de la nuit, les Zeïthouniens cessèrent de poursuivre les fuyards, et l’armée d’Aziz, vaincue, décimée, ayant perdu ses canons et ses étendards, rentrait à Marach dans le plus grand désordre. Elle fit le chemin du hameau de Saint-Sauveur à Marach en six heures de marche, au lieu de douze qu’exige habituellement ce trajet.

Le combat du 14 août, glorieux fait d’armes pour les Arméniens du Taurus, sauva la ville de Zeïthoun. La plupart des habitans des villages chrétiens de la confédération s’y étaient rassemblés, prêts à s’y défendre, eux et leurs familles, jusqu’à la mort. Les Arméniens, vainqueurs d’Aziz, rentrèrent pendant la nuit dans la ville avec leurs trophées, des canons, des drapeaux, des armes et des munitions. Le camp, qui avait été abandonné brusquement par l’ennemi, était gorgé de richesses enlevées aux églises, aux monastères et aux maisons des Arméniens. La tente du pacha, avec tout ce qu’elle renfermait, tomba au pouvoir des chrétiens. Pendant cette affaire, qui décida du sort de Zeïthoun, le consul anglais résidant à Alep accourait bride abattue à Marach, annonçant aux chrétiens de cette ville l’arrivée, pour le lendemain, d’un bataillon de chasseurs réguliers et de deux escadrons de cavalerie. Cette nouvelle changea les dispositions des musulmans, qui s’étaient promis de renouveler les massacres de la Syrie et d’exterminer tous les chrétiens du pachalik. Lorsqu’à minuit les premiers fuyards de l’armée d’Aziz pénétrèrent dans la ville, une profonde terreur se manifesta chez les musulmans. L’espoir gagna au contraire les chrétiens, qui