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pratique aujourd’hui. Il ne se reproche pas, dans cet examen de conscience, d’avoir « réclamé quelquefois contre la pression exagérée de l’administration dans les élections, » puisque « le chef de l’état a toujours déclaré qu’il voulait des élections libres et sincères. » Le voilà donc bien en peine de découvrir la faute dont il s’est rendu coupable. « Où donc est le motif sérieux du désaccord qui me sépare du gouvernement ? Il me répugne de croire que c’est mon indépendance, et cependant, en combattant ma candidature, M. le ministre de l’intérieur ne laisse-t-il pas voir clairement quel est le genre de dévouement qu’il exige parfois et qu’apparemment je n’ai pas su atteindre ? » M. de Flavigny appelle donc du jugement du ministre à celui de ses électeurs. « L’article 39 de la loi électorale, leur dit-il, vous protège contre toute influence abusive, de quelque part qu’elle vienne, qu’elle prenne le voile d’une intimidation ou celui d’une promesse. C’est à vous qu’il appartient d’apprécier s’il y avait trop d’indépendance dans la chambre qui va finir, et si le besoin se fait vraiment sentir d’un corps législatif dont le dévouement soit plus absolu. »

Le document que nous venons d’analyser nous paraît avoir une grande importance au début de la tutte électorale ; il nous parait surtout fertile en leçons pour l’opposition. Il nous apprend que l’administration resserre sa base au lieu de l’élargir, que même dans le dévouement une certaine indépendance l’offusque encore, que les caractères qui conservent une certaine initiative lui déplaisent. Nous croyons, quant à nous, que les gouvernemens sont loin de se fortifier en devenant intolérans et exclusifs ; mais, lorsque les gouvernemens se laissent entraîner à cette faute par un esprit de domination jalouse, ils donnent à l’opposition non-seulement des avantages positifs, mais une utile leçon de conduite. L’intolérance de l’administration est le meilleur enseignement de tolérance que l’opposition puisse recevoir. Rien n’est plus propre à faire oublier à l’opposition avec de vieux souvenirs les vieilles jalousies qui ont pu la diviser autrefois. Des méprises récemment commises dans les polémiques de la presse exigent à ce point de vue que la question des partis, telle qu’elle se présente devant les élections prochaines, soit nettement posée dans ses véritables termes.

En parlant des efforts réunis des diverses fractions de l’opposition libérale ; c’est bien à tort, suivant nous, que le mot de coalition a été prononcé. Pour jeter un pareil mot à la face de ses adversaires, il faut que la presse officieuse soit disposée à faire bon marché de la constitution. Sont-ce des bonapartistes, des légitimistes, des orléanistes, des républicains, qui vont se présenter aux élections ? Non-seulement la constitution ignore ces anciennes dénominations de partis, mais, à moins de se désavouer elle-même, elle est obligée de les proscrire. Veut-on se donner la satisfaction de constater qu’il y a dans l’opposition d’anciens légitimistes, d’anciens orléanistes, d’anciens républicains ? La belle avance ! Comment, avec les révolutions qu’ont traversées les générations contemporaines, serait-il possible qu’il se trouvât parmi ceux qui ont pris part aux affaires publiques