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parti extrême, et que les difficultés qui existent à Naples sont de celles qui se guérissent par un bon gouvernement, par une action libérale et intelligente bien plus que par un retour au passé.

Admettons un moment néanmoins que l’œuvre périt au milieu de ces difficultés, que la question renaît tout entière, et que l’Italie, faute de pouvoir aller plus loin, ou même de pouvoir s’affermir dans les conditions actuelles, revient où on veut la ramener. A quelle combinaison va-t-on s’arrêter dans cette organisation fédérative qu’on essaierait de faire sortir d’une crise nouvelle? Sera-ce à la vraie et primitive confédération de tous les anciens états recomposés? Voilà donc une restauration complète naissant de je ne sais quelle circonstance mystérieuse et bien imprévue pour le moment. Quelque général d’aventure a renouvelé la scène de la rentrée à Naples du cardinal Ruffo, à la tête de ses Calabrais, en 1799. Le grand-duc de Toscane, fugitif volontaire du 29 avril 1859, hôte du camp autrichien à Solferino, a repris le chemin de Florence. Le duc de Modène ceint de nouveau sa microscopique couronne. L’Ombrie et les Marches se replacent sous l’autorité politique du saint-siège, et Bologne elle-même voit reparaître le légat qui, le 14 juin 1859, suivait dans sa retraite le corps d’occupation autrichien, laissant la Romagne indépendante. Le Piémont rentre dans ses frontières, agrandies jusqu’au Mincio, et le roi d’Italie redevient le roi de Sardaigne. Tout est pour le mieux. On revient à la situation qui existait avant la guerre, plus la réunion de la Lombardie. Tout ce qui est œuvre de la souveraineté nationale au-delà des Alpes disparaît; il ne reste que le prix de la conquête. C’est la victoire du droit des princes et du droit public de 1815 ébréché tout au plus d’une province.

Il y a des esprits qui croient cette résurrection possible, puisqu’ils la proposent ou la rêvent, puisqu’elle est le dernier mot de leur hostilité contre l’Italie actuelle, et ils n’ont pas tort en suivant la logique de leurs idées. D’abord il y a une conséquence qu’on ne semble pas soupçonner, et qui nous touche cependant, qui se lie intimement à cette restauration universelle des pouvoirs et des autonomies au-delà des Alpes : c’est la restitution de Nice et de la Savoie, puisque ces deux provinces n’ont été revendiquées par la France qu’en compensation de l’agrandissement territorial qu’assurait au royaume de la Haute-Italie la réunion de la Toscane et de la Romagne. Les deux annexions se lient diplomatiquement et encore plus moralement. Ceux qui demandent que l’une cesse demandent la fin de l’autre, ou font à la France un rôle qui n’est pas digne d’elle; mais en outre est-ce donc l’ordre qui rentre dans cette Italie remaniée, scindée de nouveau, parquée dans ses souverainetés