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« Allez dire en France que nous ne sommes ni des communistes ni des partageux, que nous sommes des malheureux qui demandent leur patrie! » Il y a des casuistes subtils qui ont l’œil assez fin pour faire des distinctions et qui changent d’opinion selon qu’ils se tournent au nord ou au midi, vers l’Italie ou vers la Pologne. Dans toute âme vraiment libérale, ces causes se rejoignent, et la plus touchante est toujours celle qui souffre le plus. Elles sont sœurs, et l’Italie, toute jeune encore, serait déjà trop diplomate et trop avisée, si elle oubliait que ce sont ses affaires aussi qui se débattent en Pologne, que l’alliance de la Russie ne vaut pas le principe au nom duquel elle vit, et que la liberté italienne a trop à faire encore pour mettre une sourdine quand il s’agit de la liberté et de l’indépendance des autres peuples. Pour nous, ce qui nous frappe et ce qui nous touche dans ces causes, c’est d’abord qu’elles sont justes, que ce sont les causes du sang versé, des droits violés, des nations qui veulent vivre, mais en outre c’est qu’à leur succès se lie la cause de la liberté intérieure, de la sécurité morale en Europe. Savez-vous ce qui fait de ces réveils de peuples des causes essentiellement libérales? C’est qu’ils portent le dernier coup à ce faisceau d’absolutisme qui s’est toujours recomposé au nord, qui a vécu d’une complicité d’oppression, et qui a réagi quelquefois sur la France elle-même. Quant à la France, en aidant, selon les momens, de ses sympathies, de ses vœux ou de son action, à cet affranchissement des nations, elle travaille plus qu’on ne pense à sa propre liberté, et elle y trouve sûrement la garantie durable de sa puissance morale.


CHARLES DE MAZADE.