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aux inconvéniens que présentaient l’extrême variété des modèles et la diversité des calibres dans les pièces d’artillerie. Charles-Quint détermina sept modèles lançant des projectiles de 40 livres au maximum et de 3 livres au minimum. Cette simplification fut imitée par la France, qui dès ce moment distance les autres peuples pour la perfection de tous les détails de l’arme. Enfin la première bombe fut tirée en 1634, au siège de Lamotte, sous la direction d’un gentilhomme anglais, nommé Malthus, au service de la France, et ce nouveau projectile fut bientôt employé dans toutes les artilleries.

Grâce aux recherches patientes auxquelles s’est livré M. le colonel Favé, l’on peut se rendre aisément compte de l’origine et des perfectionnemens du canon : de nombreuses planches font passer sous nos yeux les plus anciens modèles de l’arme, modèles curieux, presque fantastiques, qui ont suffi longtemps à l’ardeur guerroyante de nos aïeux. Aujourd’hui il nous faut mieux que cela, et, pour entrer décemment en ligne, une armée européenne veut être plus solidement pourvue. Un canon du temps de Charles-Quint ne vaut point, pour la portée ni pour la précision, le simple fusil d’un de nos fantassins : qu’est-ce donc si on le compare avec le canon rayé, dont on a vu les œuvres à Solferino ? Et si l’on en juge par les produits plus récens des arsenaux européens, si l’on songe que tant de savans, tant d’officiers se consacrent à ce qu’on appelle l’amélioration du canon, nous ne sommes pas au bout de ces inventions que le génie de la guerre inspire à notre siècle, si bruyamment pacifique ! M. le colonel Favé a devant lui une belle et riche matière pour continuer jusqu’à nos jours son histoire de l’artillerie. Il est bien permis aux personnes les moins compétentes non-seulement de s’intéresser à de telles études, mais encore de s’en préoccuper très sérieusement. Quel avenir la science, avec ses progrès incessans, réserve-t-elle à l’artillerie, ou plutôt à nous-mêmes ? Cela devient, en vérité, tout à fait effrayant. Les Chinois ne doivent pas trop se féliciter d’avoir inventé la poudre. Puisse l’Europe n’avoir point à regretter un jour d’avoir inventé le canon et porté si loin la manière d’en faire usage !


C. LAVOLLEE.


V. DE MARS.