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LIBERTE ET DEMOCRATIE

I. Études de Politique et de Philosophie religieuse, par M. Adolphe Guérirait : — II. Discussions de Politique démocratique, par M. Anselme Petetin.

Une opinion puissante a séparé la démocratie de la liberté, et d’une distinction plausible on fait quelquefois de part et d’autre un antagonisme. On trouverait encore, sans beaucoup chercher, des politiques qui soutiennent qu’une aristocratie est nécessaire à la liberté, ce qui condamnerait, j’en ai peur, la France et tôt ou tard toutes les sociétés modernes à la servitude ; mais plus nombreux et plus redoutables sont ceux qui prétendent que la démocratie n’a pas besoin de là liberté, et qu’elle s’en passe volontiers là où elle est publiquement reconnue et comme consacrée par l’origine populaire de la souveraineté. C’est l’opinion que nous venons discuter.

Ce qu’on appelle la question de la démocratie n’est pas chose nouvelle : on a montré ici même[1] que, dès le temps de la restauration, cette question avait été nettement posée et sérieusement abordée. C’est alors que le mot démocratie changea un peu de sens pour prendre la signification qu’on lui donne communément aujourd’hui. Chez les Grecs, qui l’ont inventé, ce nom désignait le gouvernement direct du peuple, et il est remarquable que le publiciste de l’antiquité le moins favorable à l’aristocratie, Aristote, prend toujours la démocratie en mauvaise part et n’entend par là que la domination de la multitude, qu’il met bien au-dessous du gouvernement des classes moyennes. En France, de nos jours, on en est venu à nommer surtout démocratie un certain état de la société, et l’on a dit, sous tous les régimes depuis 1789, que la

  1. Voyez l’Esprit de Réaction dans la Revue du 15 octobre 1861.