se contint plus. « Tant mieux, s’écria-t-il, il est plus aisé de couper le foin quand il est épais que quand il est rare, » et il partit d’un grand éclat de rire. Lorsqu’on vint à parler des conditions de la paix, il redoubla d’insolence et de moquerie, protestant qu’il ne lèverait point le siège qu’on ne lui eût livré tout l’or et tout l’argent renfermés dans la ville, ainsi que tous les meubles et les esclaves étrangers qui s’y trouveraient. « Eh quoi! dit un des ambassadeurs étonnés, que nous laisseras-tu donc? — La vie, » répliqua le roi goth. Sur cette dure parole, les Romains le quittèrent pour aller reporter au sénat le récit de la conférence. En apprenant, à n’en pouvoir douter, que c’était bien Alaric qui était là avec ses Goths, les assiégés furent pris d’un redoublement de frayeur, comme si c’eût été pour eux une nouvelle inattendue. Peuple et sénat ne songèrent plus qu’aux moyens d’apaiser la colère du Barbare. On fit partir sur-le-champ une seconde ambassade, et après de nouvelles et longues conférences il fut convenu que le siège serait levé à la condition que la ville paierait 5,000 livres d’or, 30,000 livres d’argent, et qu’elle fournirait en outre quatre mille tuniques de soie, trois mille toisons teintes de pourpre, comme les portaient les officiers goths en guise de cuirasse, et trois mille livres d’épices. Pour garantie du traité, Alaric demanda des otages pris dans les plus hautes familles romaines. Cela fait, il promettait non-seulement de vivre en paix avec la république, mais encore de s’allier à elle étroitement, et de mettre son peuple à la disposition de Rome contre quelque ennemi que ce fût.
Le sénat était engagé, l’empereur ne l’était pas, et sa signature seule pouvait rendre la convention régulière. Honorius la donna sans difficulté en ce qui concernait la contribution, l’argent demandé ne sortant point de son trésor et ses ministres lui affirmant que les richesses de la ville éternelle suffiraient bien et au-delà à remplir son engagement. Pourtant, lorsqu’on en vint à l’exécution, on s’aperçut que la chose n’était pas si facile que la cour impériale s’était plu à le croire. Les finances urbaines étaient épuisées, la caisse du sénat fut bientôt à vide ; les sénateurs à leur tour durent contribuer personnellement en proportion de leur fortune. Un d’entre eux, Palladius, fut choisi pour régler la part contributive de chacun ; mais soit que les riches parvinssent à dissimuler une partie de leurs biens, soit qu’après tant de révolutions et de souffrances la plupart fussent réduits à la pauvreté, on ne put se procurer par ce moyen la somme entière. Il la fallait pourtant sous peine de ruine, de ruine complète. Les magistrats se décidèrent alors, pour dernière ressource, à faire enlever des temples et des images des dieux les ornemens d’or et d’argent qui les recouvraient, et le sénat ne s’y opposa point. Rien ne fut plus cruel aux vrais païens que cette