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plus qui doive inspirer plus d’ombrage aux amis jaloux de la liberté, car dans cet ordre de choses le pouvoir a le maniement de sommes énormes dont le pays ne songe pas à lui demander compte, puisqu’il peut se les procurer sans que le public sente la charge de ses engagemens. Sous l’empire du sénatus-consulte de 1861, les choses sont profondément changées. Les dépenses doivent être sévèrement prévues, et il faut que les ressources prévues soient portées au niveau des dépenses et les dépassent même pour faire face aux besoins extraordinaires. Les ressources par conséquent doivent être demandées à l’impôt et non plus à l’emprunt. Si le gouvernement veut dépenser beaucoup, il faut qu’il impose beaucoup ; s’il plaît au pays de payer de grosses dépenses, il faut qu’il consente à payer de gros impôts. Du moins les chambres et le pays sont immédiatement avertis de l’effet des dépenses excessives, et en supportent le poids sur-le-champ. En présence des demandes du gouvernement, c’est aux chambres et au pays de prendre leur parti. De là deux garanties très efficaces d’économie, d’abord le contrôle des députés comptables envers les électeurs, ensuite la volonté des électeurs, souverains définitifs qui ont à juger de la convenance des taxes qu’ils paient et du mandat qu’ils ont à donner aux députés par lesquels il leur plaît de se faire représenter. Là est le principe même du gouvernement représentatif. Quand, à quel point l’efficacité de cette double garantie s’éprouvera-t-elle ? Nous l’ignorons ; mais nous sommes certains qu’un jour viendra où gouvernement, chambres et pays la sentiront simultanément ou tour à tour. C’est l’opinion de l’empereur, puisque, comme M. Fould le rappelait l’autre jour, il disait à l’ouverture de la session de 1862 que le résultat du nouveau système serait de nous forcer à l’économie.

Voilà pourtant ce dont les auteurs du communiqué n’ont l’air de se douter nullement. S’ils eussent voulu nous consoler des dépenses de 1862, ils eussent pu montrer par des explications analogues à celles qui précèdent l’énorme et heureuse différence qui, au point de vue politique comme au point de vue de la trésorerie, distingue ces dépenses de celles de 1860 et 1861 ; mais ce n’est pas ce qui les inquiète. « Ah ! vous croyez que vous dépensez moins ! ont-ils l’air de dire. Détrompez-vous ; vous avez dépensé en 1862 un peu moins qu’en 1861 et un peu plus qu’en 1860. » Des compensations que présentent à l’avantage de 1862 la prévision et la régularité des ressources, le chiffre si inférieur du découvert final, des espérances enfin que doit nous donner pour l’avenir un système qui nous forcera à l’économie, pas un mot ! La vertu des précautions générales prises dans le système de M. Fould est passée sous silence. Nous dépensons toujours autant, voilà tout, et l’on ne se soucie même pas de savoir si le gros public ne tirera pas d’une déclaration.qui se produit si habilement à la veille des élections cette conclusion naturelle : donc, avec les mêmes députés, nous ne dépenserons jamais moins. Bizarre quiproquo, qui, de surprise en surprise, nous conduit à cette situation plaisante, que c’est nous-mêmes qui sommes