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le port de Classe une petite flotte qui devait le conduire en Orient ; vingt fois par jour on le voyait changer de résolution ; il voulait fuir ; il partait, puis le regret de quitter le trône le ramenait dans son palais : les mêmes hésitations, les mêmes lâchetés se faisaient remarquer autour de lui. Ce qui plus que tout le reste avait frappé les imaginations dans l’armée et à la cour, c’était l’acte du sénat qui déposait Honorius et couvrait un autre césar de l’autorité d’un nom bien grand encore : on se demandait avec inquiétude quel était le prince légitime, et auquel des deux on devait obéir. Honorius lui-même s’en montrait effrayé. À force de trembler, il finit par se dire que sa cause était perdue, et qu’une seule ressource lui restait : s’accommoder avec les événemens en reconnaissant Attale, comme il avait reconnu cette année même le tyran Constantin. Ce n’était pas la première fois qu’on aurait vu le trône d’Occident partagé entre trois augustes, collègues et frères, et Honorius, tenant au milieu d’eux un rang à part, en vertu de son origine et de sa priorité, saurait aisément, avec l’appui de son neveu Théodose II, saisir quelque chance de reprendre ce qu’il concédait : telles furent ses réflexions. Les eunuques et les courtisans admirèrent la profonde sagesse du prince : ils avaient bien juré de ne lui jamais conseiller la paix, mais c’était la paix avec Alaric et non avec Attale ; ils ne violaient donc pas leur serment. La casuistique byzantine ne se laissait jamais prendre en défaut.

Conformément à cette résolution, une légation s’organisa pour aller porter dans Ariminuin à Attale les propositions du fils de Théodose. Elle était solennelle, et comme d’empereur à empereur. Les personnages principaux du gouvernement de Ravenne y figuraient, savoir le questeur impérial Potamius, le primicier des notaires Julianus, Valens, qui commandait en chef l’armée ravennate avec le titre de maître des milices, et enfin Jovius lui-même. À peine Attale eut-il pris possession d’Ariminum que l’ambassade fit annoncer son arrivée. Attale la reçût au milieu de ses conseillers et de ses ministres, le diadème au front, le manteau de pourpre aux épaules, comme un homme qui n’a pas besoin qu’on les lui apporte. Un des ambassadeurs exposa en termes fleuris l’objet de leur mission : « Honorius proposait de s’associer Attale ; si l’ouverture était agréée, il lui écrirait une lettre signée du nom de frère et de collègue, et lui donnerait l’investiture du manteau des augustes ; il se faisait fort très probablement d’obtenir de l’empereur d’Orient la déclaration d’unanimité nécessaire à la constitution légale du nouveau principat. » Attale laissa parler jusqu’au bout l’orateur, puis il prit la parole. « Voilà, dit-il avec un sang-froid insolent, voilà ce que m’offre votre maître ? Eh bien ! moi, je lui accorde la vie à la condition qu’il