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démentir, sans que cela déconcerte jamais leur zèle et leur confiance ?

Ce vieil esprit, hostile à tout progrès, est plus puissant à Amassia qu’à Angora, et la condition des chrétiens est moins bonne ici que dans cette dernière ville : c’est d’abord qu’ils y sont moins nombreux, ne formant guère que le quart de la population ; mais c’est surtout qu’Amassia, malgré son essor industriel, n’a pas cessé, depuis l’époque des Seljoukides, d’être une ville d’université, une ville savante, si l’on peut employer le mot de science pour désigner toute cette vaine et morte scolastique dont la tradition se conserve encore dans l’enceinte et à l’ombre des mosquées. On peut dire qu’Amassia est l’Oxford de l’Anatolie : sur une population d’à peu près vingt-cinq mille âmes, il y a deux mille softas ou étudians, partagés entre dix-huit médressés ou collèges. Chacun de ces collèges, comme ceux des universités anglaises, a des propriétés à lui, domaines et fermes dans la province, maisons en ville et boutiques au bazar ; il offre donc aux étudians qu’il admet, outre le logement dans les petites chambres qui s’ouvrent sur ses cours, des subventions en nature, telles qu’une certaine quantité de pain, de riz et d’huile, distribuée chaque semaine ; certains médressés donnent même une petite somme en argent. Depuis le règne de Mahmoud, ces établissemens, comme les mosquées dont ils dépendent ont cessé de percevoir eux-mêmes leurs revenus ; ils les touchent par l’intermédiaire d’une administration qui a son chef à Constantinople, où il a le rang de ministre et porte le titre d’evkaf-naziri, directeur des vakoufs ou biens de mainmorte. Cette administration a partout des représentans nommés par le pouvoir central, qui gèrent les biens des établissemens religieux, biens qui formeraient, assure-t-on, plus du tiers des propriétés que comprend l’empire ; ces fonctionnaires ont à surveiller l’état de tous ces biens des mosquées, à faire exécuter les réparations nécessaires, à renouveler les baux et à en assurer l’exécution ; les frais d’entretien une fois couverts, ils doivent remettre aux établissemens qu’ils ont dans leur circonscription ce qui revient à chacun d’eux des sommes perçues pour leur compte. Le jour où le sultan, de plus en plus pressé par un impérieux besoin d’argent, se déciderait à une réforme qui a déjà été souvent conseillée à la Porte, à la mise en vente de tout ou partie, de ces biens de mainmorte, il ne rencontrerait nulle part de résistance sérieuse ; il faudrait seulement qu’il s’engageât à entretenir les édifices et à rétribuer les personnes auxquelles étaient consacrés les revenus de ces biens ; les bénéfices que lui donnerait cette opération, si elle était conduite judicieusement, lui assureraient à cet effet des ressources plus que suffisantes, et pourvu que les intéressés ne se vissent pas réduits à la misère, ils ne réclameraient que pour la forme. Quant à