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sées Horace Vernet autoriseraient des comparaisons plus redoutables encore et de plus sévères jugemens. Quelques-unes, il est vrai, — et l’Arrestation des Princes en 1650 est du nombre, — dissimulent en partie l’exiguïté des intentions sous les coquetteries de la mise en scène, sous un faux air de bonhomie dans le style qui peut jusqu’à un certain point faire illusion, et que les caractères anecdotiques du sujet ne laissent pas d’ailleurs d’excuser; mais là où il s’agit de sujets plus graves à tous égards et plus vastes, là où il faut à tout prix provoquer une émotion dramatique ou éveiller en nous l’idée du beau, de pareilles ruses ne sauraient suffire et sont facilement percées à jour. Qu’importent, dans Judith et Holopherne, le sommeil souriant de la victime, les regards étincelans du bourreau, si le contraste n’aboutit qu’à l’exagération et à la grimace? A quoi bon ce luxe d’ornemens, ces minutieux détails de mœurs, ce geste violent et ce grand sabre, puisque le tout ne peut nous donner le change sur des inspirations absentes et nous montrer rien de plus qu’un jeu de scène entre deux acteurs? Même contrefaçon du théâtre, même impuissance à racheter par l’éclat des accessoires et des costumes les faiblesses du sentiment dans le plafond qui représente au Louvre Jules II ordonnant les travaux de Saint-Pierre, dans Edith au col de cygne dans le Pape Pie VIII porté sur la sedia pontificale, ou, plus évidemment encore, dans la Rencontre de Michel-Ange et de Raphaël au Vatican.

De pareilles œuvres, au surplus, n’intéressent et ne sauraient compromettre que les conditions ordinaires, la dignité extérieure de la peinture d’histoire. Pourquoi faut-il que le talent d’Horace Vernet n’ait pas craint de s’aventurer en plus haut lieu encore et d’introduire ses habitudes de familiarité excessive jusque dans l’interprétation des livres saints? Nous voulons parler non pas d’un Christ au roseau, qui ne mérite en vérité que le silence et l’oubli, mais de ces nombreuses compositions sur des sujets bibliques où le peintre transcrit le plus littéralement qu’il peut les souvenirs de ses voyages en Afrique : innovations fâcheuses en vertu desquelles les patriarches et les prophètes, la mère d’Ismaël comme l’épouse d’Isaac, tous les personnages de l’Ancien Testament, toutes les figures consacrées par la tradition de tant de siècles se transforment pour nous en personnages contemporains, et nous apparaissent sous le burnous d’Abd-el-Kader ou sous les vêtemens tramés d’or et de soie des femmes de la Smala.

Pour justifier la tentative d’Horace Vernet, objectera-t-on que les maîtres avaient défiguré la Bible en privant les commentaires pittoresques qu’ils en donnaient de tout caractère ethnographique, que, les Arabes ayant à peu près conservé les habitudes des premiers