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tenue d’ordonnance jusqu’aux modifications résultant de la pratique de la guerre, du climat ou de la coutume. Ce n’est donc pas simplement par la représentation des faits, mais encore par une fidèle image des mœurs, que l’histoire de notre temps vit et se perpétuera dans les tableaux d’Horace Vernet. La seule énumération des sujets qu’il a traités offrirait un sommaire exact de nos annales militaires depuis la fin du dernier siècle : la souplesse avec laquelle son talent s’est approprié aux caractères successifs, aux phases diverses de cette glorieuse histoire, achève d’accréditer les enseignemens qu’il nous lègue et d’en assurer l’autorité pour l’avenir.

En essayant de caractériser ici la manière et les œuvres d’Horace Vernet, nous nous sommes attaché de préférence à un certain ordre de travaux. Nous reprochera-t-on pour cela d’avoir méconnu d’autres titres, d’avoir volontairement amoindri, en la réduisant au rôle d’un peintre de batailles, l’importance d’un artiste qui, depuis les sujets de genre, de chasse, de paysage et de marine jusqu’aux plus graves données de l’histoire, a tout envisagé, tout abordé, tout traduit? Sans doute il faut tenir compte de cette facilité singulière, mais à la condition de ne l’estimer qu’à son prix, et d’y reconnaître bien moins l’universalité absolue des aptitudes qu’une mobilité intellectuelle servie, inspirée même par l’extrême adresse de la main. N’est-ce pas au reste comme peintre de batailles qu’Horace Vernet mérite d’être compté parmi les maîtres de notre temps? N’est-ce pas dans la peinture des scènes militaires telles que les a faites la civilisation moderne qu’il a le plus nettement accusé son originalité, le mieux réussi à exprimer sous des formes familières et complètes ce qu’on ne savait autrefois qu’écourter à l’excès ou revêtir d’une majesté de convention? Sur ce terrain, qu’il a occupé le premier et qui lui appartient en propre, il demeure à l’abri des revendications et des attaques, il défie toute comparaison : partout ailleurs on trouverait à lui opposer mieux que des rivaux. Que devient par exemple son habileté, très incontestable pourtant, à peindre les chevaux, lorsqu’on rapproche cette manière élégante jusqu’à la recherche du style large et de la robuste manière de Géricault? Il suffira, pour apprécier cette différence, de se souvenir des études peintes ou lithographiées par celui-ci en face de Mazeppa ou de telle autre scène du même genre retracée par Horace Vernet. Les paysans italiens qui lui ont servi de modèles ont-ils eu à ses yeux et sous son pinceau cette mâle beauté, cette grâce énergique qu’avaient su pressentir et rendre M. Schnetz et Léopold Robert? à faudrait plus que de l’indulgence pour estimer à l’égal du Vœu à la Madone et des Moissonneurs des toiles comme le portrait de Vittoria d’Albano et la Confession d’un Brigand.

Dans le genre historique proprement dit, les œuvres qu’a lais-