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des Grecs. Après Vercingétorix, on a fait connaître une ode-symphonie, Vasco de Gama, paroles de M. Delâtre et musique de M. George Bizet ; un lauréat de l’Institut qui arrive de Rome. L’œuvre de M. Bizet est une imitation flagrante du Christophe Colomb de M. Félicien David. Il y a au moins trente ans que les idées, le style de M. Bizet sont connus. M. Bizet a du talent à coup sûr, mais aucune originalité ; sa musique est agréable et facile, mais elle n’appartient pas à celui qui la signe. La séance s’est terminée par l’Enfance du Christ, de M. Berlioz, et par l’ouverture du Carnaval romain, du même compositeur. Cette tentative de la Société nationale des beaux-arts n’a pas été heureuse et a laissé une triste impression sur ceux qui jugent le fond des choses et ne se contentent pas de l’à peu près.

M. de Beaulieu, fondateur généreux d’une Société de Chant classique dont nous avons souvent parlé ici, a donné son concert annuel dans la salle de M. Herz le 14 avril. Le programme de cette séance n’avait pas tout l’intérêt désirable, et l’exécution de la plupart des morceaux a été très faible. Un offertoire de Michel Haydn, qui n’avait jamais été exécuté en public à Paris, a inauguré la fête. C’est de la musique douce et agréable, mais d’un style peu religieux. Un air de Samson, oratorio de Haendel, un Salve Regina, chœur sans accompagnement d’Orlando Lasso, n’ont pas été non plus très bien rendus. Ce qu’il y a eu de mieux dans ce concert, ce n’est pas le chant, mais un beau morceau instrumental, un octuor de Beethoven pour deux hautbois, deux clarinettes, deux cors et deux bassons. Cette délicieuse composition, pleine de sentiment et d’une gaîté sereine, a été exécutée dans la perfection par des artistes comme MM. Triébert, Barthélémy, Leroy, Rose, etc. Il est à désirer que M. de Beaulieu ne se fasse pas illusion sur l’utilité de la Société de Chant classique, si l’honorable fondateur n’apporte pas le plus grand soin au choix des morceaux qui doivent entrer dans son programme, et surtout à l’exécution des chœurs et de toute la partie vocale, qui a été bien faible cette année.

S’il nous fallait parler de toutes les réunions, de toutes les maisons où la musique, sous ses différentes formes, est cultivée avec ardeur et passion, notre récit n’aurait pas de fin. Il serait bien injuste cependant de ne pas encourager ces talens solides et modestes qui restent volontairement dans l’obscurité, et qui se refusent aux applaudissemens du monde comme d’autres les recherchent avec avidité. Telle est Mlle Camille Miet, pianiste et musicienne remarquable, élève de M. Alkan aîné, qui lui a communiqué son goût pour la belle musique et quelque chose de son style précis et vigoureux. J’ai entendu Mlle Miet exécuter plusieurs morceaux bien difficiles, et surtout un trio charmant de M. Rosenheim, avec une netteté et une chaleur communicative qui étonnent chez une jeune personne qui n’a jamais voulu se produire en public.

Il existe à Paris une réunion de nobles et joyeux dilettanti qui porte le nom de Cercle de l’Union artistique, et dont le siège est rue de Choiseul. Présidés, je crois, par M. le prince Poniatowski, ces amateurs, qui appartiennent