Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 45.djvu/1004

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

presque tous à la haute fashion, se réunissent tous les jours et donnent assez souvent des fêtes charmantes où la musique a sa large part. Invité gracieusement à l’une de ces soirées agréables, j’y ai entendu exécuter des quatuors de Beethoven par la société de MM. Alard et Franchomme, et surtout un admirable morceau de Mozart pour quatuor et deux cors, qui porte le nom, dans le catalogue de l’œuvre du maître, de musikalische Spass, badinage musical. Mozart aimait beaucoup ces sortes de plaisanteries aimables, et son humeur joyeuse lui a inspiré plusieurs compositions de ce genre d’une originalité charmante. L’idée que le maître a voulu exprimer dans cette composition curieuse, qui parut à Vienne le 11 juin 1787, c’est une scène de pauvres amateurs, parmi lesquels se trouvent deux paysans qui donnent du cor, et qui, sous la direction d’un seigneur qui a des prétentions comme violoniste, exécutent tant bien que mal un morceau fort difficile pour leur inexpérience. C’est d’un comique achevé que d’entendre ces amateurs dont les deux cors sont des cors de chasse, je crois, souffler, jouer à tort et à travers comme des désespérés, et s’enthousiasmer eux-mêmes d’un désordre qui est ici véritablement un effet de l’art. À la fin de cette délicieuse bouffonnerie, qui a excité l’hilarité de tous les auditeurs, les deux cors poussent violemment deux sons rauques, en dissonance de seconde, dont l’effet de surprise est des plus plaisans. Ce morceau et bien d’autres que nous pourrions citer encore, comme la messe comique de Haydn connue sous le nom de messe du maître d’école, prouvent suffisamment que la musique n’a pas besoin de paroles pour exprimer le rire et même le ridicule de la nature humaine.

Nous ne pouvons mieux finir ce long discours sur les fêtes musicales de l’année qu’en rendant compte d’une séance musicale qui, pour les connaisseurs surtout, a été un véritable événement. Une Société académique de musique religieuse s’est formée depuis un an dans l’intention de poursuivre l’idée du prince de la Moskowa et de relever les beaux concerts qu’il donnait dans la salle de M. Herz sous le gouvernement de juillet. Le prince de la Moskowa, qui était un amateur fort éclairé, s’était proposé de suivre l’exemple de l’école de Choron, qui a été la source de ce grand mouvement vers la musique ancienne et classique qu’on a vu se produire aux premières années de la restauration. On ne se doute pas de l’influence salutaire qu’a eue cette école de Choron, qui a nous a donné un si grand nombre d’artistes remarquables, parmi lesquels il suffit de nommer M. Duprez et M. Nicou-Choron, homme de mérite et compositeur distingué, qui porte dignement le nom que lui a laissé son beau-père. Composée d’amateurs, de femmes du monde et d’artistes de profession, la Société académique de musique sacrée, sous la direction de M. Charles Vervoitte, maître de chapelle à l’église Saint-Roch, a donné sa première séance dans la salle Herz le. 24 avril. Le programme, très remarquable par la variété et le choix des morceaux, était divisé en deux parties : on ouvrit la séance par un fragment d’un Stabat Mater de Joseph Haydn avec accompagnement d’orchestre,