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par laquelle il était enjoint au taïkoun de se rendre dans le plus bref délai à Kioto pour se justifier devant son maître de l’accusation portée contre lui.

Le taïkoun Minamoto-Yemotschi essaya d’abord de décliner cet ordre, et chargea un de ses fonctionnaires, le ministre Kouzé-Yamatono-Kami, membre du conseil des cinq, d’aller à Kioto et de porter au mikado une réponse hautaine ; mais Yamatono demanda avec instance de n’être pas choisi pour cette mission, et, le taïkoun ayant insisté, il se suicida. Un autre grand dignitaire, Sakkaï-Vakassano-Kami, fut nommé à sa place et partit sans hésitation ; mais, à peine à Kioto, au milieu des fidèles serviteurs du mikado qui lui reprochèrent son obéissance au taïkoun comme une trahison contre l’empereur légitime, il perdit courage. Après une courte conférence avec les plénipotentiaires du mikado, qui le contraignirent à demander pardon pour avoir suivi les ordres du taïkoun, il rentra chez lui et s’ouvrit le ventre, afin d’épargner à sa famille la honte de sa disgrâce. Le suicide de ces deux fonctionnaires fut suivi d’un nouvel attentat contre la vie du ministre Ando, l’un des principaux chefs du parti libéral. La cour de Yédo comprit alors que le parti du mikado était devenu puissant, et que le moment de lui faire une opposition ouverte était passé. Déjà plusieurs daïmios avaient osé écrire une lettre dans laquelle ils déclaraient formellement qu’ils cesseraient à l’avenir d’aller résider à Yédo ; on violait ainsi les lois de Gongensama, on s’affranchissait tout à fait du pouvoir et de le surveillance du taïkoun.

En présence d’une situation si critique, le taïkoun se vit obligé de faire de grandes concessions. Il désigna un nouvel ambassadeur, Mazdaïri-Hokino-Kami, ancien gouverneur d’Osaka, homme fort habile, et l’envoya à Kioto avec un message pacifique. Le taïkoun se déclarait prêt à déférer aux ordres de l’empereur, mais il demandait que ces ordres lui fussent communiqués par un haut fonctionnaire, véritable ambassadeur du mikado, qu’il n’y fût fait aucune allusion à l’accusation portée contre lui par les daïmios, et qu’on donnât à son voyage, l’apparence d’une visite de cérémonie. Cette visite avait un prétexte naturel, puisque le taïkoun venait d’épouser une sœur du mikado, et que, d’après l’étiquette japonaise, le nouveau marié va rendre ses devoirs à la famille de sa femme. Le mikado consentit à ces demandes ; il considéra sans doute qu’il était dangereux de pousser trop loin ses exigences contre un prince aussi puissant que le taïkoun, et qu’il fallait se contenter pour le moment de l’avoir humilié en le forçant à reconnaître la suprématie de l’empereur légitime. Un très haut fonctionnaire de la cour de Kioto, Oharra-Saïemmono-Kami, partit donc pour Yédo, où il arriva