Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 45.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rejets eux-mêmes, il fallut les couper à leur tour. On dut recommencer la même opération à des intervalles de plus en plus rapprochés, et l’on fut conduit, par la force des choses, à exploiter en taillis, à l’âge de vingt-cinq ans, des parties qui étaient dans l’origine destinées à devenir des futaies pleines. Le mal ne se borna pas là ; car le sol, périodiquement découvert par ces coupes, se stérilisa peu à peu, devint de moins en moins propre à la végétation du chêne ; des vides se formèrent de plus en plus grands à chaque révolution, et la forêt fut sur le point d’être ramenée à l’état d’où on l’avait tirée au prix de grands sacrifices. C’est alors qu’on eut l’idée d’y introduire du pin et d’en repeupler tous les vides et clairières. Des semis de cette essence furent faits sur la plus grande échelle par MM. de Larminat et de Bois-d’Hyver, inspecteurs de la forêt sous le roi Louis-Philippe. Grâce à eux, elle fut préservée de la ruine qui la menaçait, et aujourd’hui plus de 4,000 hectares de pins, âgés de quinze à trente ans, sont disséminés sur tous les points, tantôt mélangés avec des bois feuillus, tantôt formant des massifs homogènes qui couvrent de vastes superficies.

Le pin est en effet l’essence qui convient le mieux aux terrains dénudés qu’il s’agit de remettre en état. Aucune n’est moins exigeante ; aucune ne pousse avec plus de vigueur ses rameaux toujours verts là où toute autre succomberait par excès de sécheresse ou défaut de nourriture. Elle a la précieuse faculté d’amender le sol, et, par la décomposition de ses aiguilles, de lui restituer des élémens de fertilité qui permettront plus tard la culture d’essences plus précieuses. Avant qu’on ne songeât à s’en servir pour repeupler les vides, le pin existait déjà dans la forêt, et l’on en attribue l’introduction à Lemonnier, médecin de la reine, qui sema au pied du mail Henri IV des graines qu’il avait rapportées de Riga en 1784. M. de Bois-d’Hyver ne s’est pas borné à semer des pins sylvestres, il a greffé sur un grand nombre de ceux-ci des pins laricios, qui ont parfaitement repris et qui donnent déjà aujourd’hui des graines en abondance. Les pins maritimes n’ont pas répondu à ce qu’on attendait d’eux. Végétant bien sur les bords de la mer, dont ils aiment les sables humectés par les vagues, ils ne prospèrent pas dans les forêts de l’intérieur. Pendant quelques années, il est vrai, ils poussent rapidement, et prennent même de l’avance sur leurs congénères ; mais vers quarante ans, pris de la nostalgie des rivages, ils commencent à dépérir ; leurs feuilles se mettent à jaunir ; des légions d’insectes se logent dans leur écnrce et ne tardent pas à les achever. Les massifs s’éclaircissent d’année en année jusqu’à ce qu’il ne reste plus que quelques individus isolés qui dominent le rocher comme des palmiers au milieu du désert. On aurait tort d’en