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géologue l’homme fossile. On peut donc démontrer l’antiquité absolue, chronologique de notre espèce, sans prouver son antiquité géologique.

Les dépôts les plus superficiels que nous rencontrons à la surface de nos continens se divisent en dépôts modernes et en dépôts diluviens. Les premiers comprennent toutes les alluvions des rivières inférieures au niveau des plus hautes inondations : tout ce qui dépasse ce niveau est diluvien ; de vastes terrasses s’étendent dans toutes les vallées à des hauteurs que les eaux ne peuvent plus atteindre. La vallée du Rhin, entre Bâle et Strasbourg, peut être citée comme un exemple de la différence qui sépare le terrain diluvien des alluvions actuelles. Ces dernières forment une lisière plus ou moins étroite sur les bords du fleuve ; mais la grande vallée creusée par les eaux diluviennes s’étend jusqu’aux falaises parallèles des Vosges et de la Forêt-Noire. Que des restes humains se rencontrent dans les alluvions actuelles du Rhin, qui s’en étonnerait ? Mais qu’on en trouve dans les fertiles limons de la plaine, et l’on aura mis la main sur l’homme fossile.

Le problème dans ces termes est, nous l’espérons, assez nettement défini, bien que sur l’origine même du terrain que j’ai nommé diluvien les géologues soient bien loin d’être d’accord. Suivant les uns, les dépôts diluviens ont été charriés par les eaux au moment même où nos vallées ont été creusées ; des massés d’eau boueuse, entraînant des blocs de toute grandeur, ont été déversées dans les grands sillons terrestres, en abandonnant des sédimens de plus en plus fins à mesure qu’ils se rapprochaient des embouchures. Les partisans des causes actuelles, refusant d’admettre que la terre ait subi de semblables cataclysmes, sont obligés d’avoir recours à d’autres hypothèses pour expliquer la présence dans les vallées de tant de matériaux erratiques, venus quelquefois de montagnes très éloignées. Ils supposent toutes les montagnes, même les moins élevées, couvertes de vastes glaciers, font descendre ceux-ci jusque dans les rameaux inférieurs de nos vallées ou promènent sur les terres submergées des radeaux de glaces flottantes chargés de pierres de toute grandeur. Ce n’est pas ici le lieu d’examiner la valeur relative de ces théories. Si l’origine et la classification du terrain diluvien demeurent incertaines, il se définit au moins assez nettement par ses caractères extérieurs en même temps que par les débris fossiles qu’il renferme.

Il importe d’ajouter que l’on rattache aussi au terrain diluvien les dépôts qui ont rempli certaines cavernes élevées, actuellement placées hors de l’accès des eaux fluviatiles ou marines. C’est dans ces grottes ossifères qu’on a cru d’abord découvrir l’homme fossile ; depuis