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l’origine des temps historiques la fabrication des haches que tout annonce avoir eu lieu autrefois dans la vallée de la Somme. Il est certain que les hommes occupés à ce travail n’ont pas été obligés d’aller bien loin pour se procurer la matière première qui leur était nécessaire. En creusant dans le sol à une médiocre profondeur, ils ont trouvé un grand choix de silex tout prêts à être taillés. L’exploitation pouvait se faire de deux manières : par puits et par galeries. L’exploitation par galeries horizontales, ouvertes sur le flanc de la vallée, en profitant des escarpemens, était évidemment préférable. Le creusement de ces anciennes galeries est si peu invraisemblable, qu’aujourd’hui encore on le pratique pour l’extraction du gravier. Les silex fraîchement extraits et non privés de leur eau de carrière sont bien plus faciles à travailler que ceux dont la dessiccation est avancée. Il est probable par conséquent que les anciens exploitant ébauchaient, dans l’intérieur même de leurs galeries, les haches destinées à être polies. Après ce premier travail, on faisait sans doute un triage ; les pièces les plus informes étaient rejetées et laissées sur place. Lorsqu’à la longue les galeries qui avaient servi à la fois d’ateliers d’exploitation et d’ébauchage se sont éboulées, les silex dégrossis, abandonnés sur le sol, ont été enveloppés de tous côtés par le terrain d’où ils avaient été extraits[1]. »

D’autres géologues vont jusqu’à nier que les silex taillés se trouvent dans un terrain diluvien vierge, et considèrent ces dépôts superficiels d’où on les extrait comme remaniés par les eaux ; je citerai dans le nombre M. Élie de Beaumont, M. Eugène Robert, M. de Benigsen-Forder. Après le phénomène qui a ouvert les grands sillons de nos vallées, le régime des fleuves n’a pas été immédiatement régularisé. Les eaux n’ont pas été tout de suite resserrées entre des berges étroites ; elles ont rempli sans doute une série de grands lacs étages les uns au-dessus des autres ; ces lacs ont plus tard été drainés, tantôt graduellement, tantôt subitement, et l’on peut imaginer ainsi que les premiers dépôts diluviens aient subi des remaniemens nombreux et considérables. Je n’étonnerai d’ailleurs aucun géologue en disant que de tous les terrains, c’est le plus récent, le plus rapproché de nous dont l’histoire demeure cependant la plus obscure.

Le peuple primitif qui vivait dans le nord de la France et en Angleterre a laissé ailleurs des traces de son séjour dans un grand nombre de cavernes. Tandis qu’on n’a jamais vu d’ossemens humains dans les graviers des vallées, on a été assez heureux pour en découvrir dans les profondeurs qui ont servi d’ossuaire à tant d’animaux. Dès 1828, M. Tournal avait trouvé des os humains, mêlés

  1. Comptes rendus de l’Académie des Sciences, t. LTV, p. 1126.